CHARTE DE L'ENVIRONNEMENT
Les enjeux économiques
Sur les dix articles que comporte la Charte de l’environnement proprement dite, quatre (art. 4, 5, 6 et 9) font directement référence aux impacts économiques.
L'article 6 exprime le principe d'intégration du développement durable dans les politiques publiques. Il fixe l'ambition de voir l'action de l'État concilier les sphères sociales, économiques et environnementales.
L'article 9 affirme que la recherche et l'innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l'environnement. Cet article aurait pu paraître évident sans la controverse à propos de l'objet de l'article 5, le principe de précaution. Ce dernier fut le plus contesté et la majorité du débat sur la Charte se focalisa sur la question de son inscription dans la Constitution. La commission Coppens fut elle-même divisée puisque deux versions de la Charte furent présentées par elle au gouvernement, l'une mentionnant expressément le principe, l'autre se contentant d'une référence minimale : « Les autorités publiques mettent en œuvre, par précaution, des procédures d'évolution et prennent les mesures appropriées. »
L'argument principal des opposants au principe de précaution était que celui-ci pouvait se comprendre comme une interdiction d'agir et ainsi freiner toute avancée scientifique ou économique. C'était la position de l'Académie des sciences et du Medef. La première a donné son avis le 18 mars 2003 : « L'Académie des sciences recommande que le principe de précaution ne soit pas inscrit dans des textes à valeur constitutionnelle ou dans une loi organique car il pourrait induire des effets pervers, susceptibles d'avoir des conséquences désastreuses sur les progrès futurs de notre bien-être, de notre santé et de notre environnement. » Le Medef, quant à lui, a organisé une conférence de presse le 13 janvier 2004 pour exprimer sa crainte que l'application du principe pousse à « ne plus faire un certain nombre de recherches en France ». Pour répondre à cette inquiétude, un appel des scientifiques en faveur de la Charte fut lancé le 4 mars 2004. Il soulignait que, loin d'être un frein, le principe de précaution peut être un stimulant au développement des recherches puisqu'il implique un effet d'évaluation des risques, de réduction des incertitudes et un investissement en recherche-développement pour élargir l'éventail des options possibles.
Après l'arbitrage du président de la République Jacques Chirac, sous l'impulsion décisive de Nicolas Hulot, ce fut la variante incluant le principe de précaution qui fut présentée à l'Assemblée nationale. Celle-ci, tout en le précisant, en réduisit quelque peu la portée. Le texte revint ainsi aux conditions de la loi Barnier de 1995 (relative au renforcement de la protection de l'environnement) qui exige l'apparition d'un dommage « grave et irréversible » là où le texte de la commission donnait « difficilement réversible ».
L'objectif de réparation, énoncé à l'article 4, fut également discuté et deux variantes furent proposées. La critique principale, formulée essentiellement par les Verts, reposait sur le fait que cet article serait une régression par rapport à la conférence de Rio de 1992 ou à la loi Barnier en ce qu'il ne se réfère pas au principe pollueur-payeur. Selon ce dernier, le pollueur doit payer à hauteur des dommages qu'il cause, alors qu'au titre de la réparation (non élevée au rang d'un principe), il doit seulement y contribuer. Recul pour les uns, cet article représente, pour d'autres, une avancée en ce qu'il touche désormais les atteintes au milieu naturel sans qu'elles soient obligatoirement constitutives d'une pollution. Ses[...]
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Écrit par
- Thierry LIBAERT : professeur des Universités, conseiller au Comité économique et social européen, président de l'Académie des controverses et de la communication sensible
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