CHARTE DE LA HAVANE (1948)
Le 24 mars 1948, la Conférence des Nations unies sur le commerce et l'emploi, réunie dans la capitale de Cuba, adopta le texte de la « charte de La Havane instituant une Organisation internationale du commerce ».
C'était l'aboutissement d'une entreprise engagée dès avant la fin de la Seconde Guerre mondiale par les États-Unis, désireux de restaurer le libre-échange et d'éliminer le protectionnisme dans les échanges internationaux. De 1943 à 1945, le gouvernement américain travailla à l'élaboration d'un avant-projet, en consultation avec les Alliés (et essentiellement le Royaume-Uni), puis il prit l'initiative de proposer au Conseil économique et social des Nations unies de convoquer une Conférence internationale destinée à adopter une charte du commerce international. Précédée de trois grandes réunions d'experts (Londres, oct.-nov. 1946 ; New York, janv.-févr. 1947 ; Genève, avr.-août 1947), la Conférence fut convoquée à La Havane le 21 novembre 1947. Elle se déroula pendant quatre mois, réunissant cinquante-six participants, soit presque tous les membres de la Communauté internationale à l'exception des puissances vaincues (non conviées) et de l'U.R.S.S. qui refusa de s'y joindre. À l'issue de la Conférence, tous les pays se prononcèrent en faveur du projet de charte, à l'exception de l'Argentine, de la Pologne et de la Turquie.
Important document composé de cent six articles accompagnés de nombreuses annexes, cette charte était conçue comme le pendant de celle de San Francisco. Cette dernière avait créé l'O.N.U. et envisageait les problèmes de paix et de sécurité, tandis que la Charte de La Havane était vouée aux questions économiques et sociales. Elle devait permettre d'« atteindre les objectifs fixés par la Charte des Nations unies, particulièrement le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et les conditions de progrès et de développement dans l'ordre économique et social » (art. 1er). Pour ce faire, la charte énonce des principes directeurs en matière d'emploi, de développement économique et de reconstruction, et elle pose des règles à suivre en matière de politique commerciale, distinguant les mesures licites et les pratiques interdites dans des domaines aussi divers que les tarifs douaniers, la fiscalité, la politique des changes, les subventions ou les restrictions aux échanges. Le commerce des produits de base fait l'objet d'un chapitre entier qui autorise, sous certaines conditions, la constitution d'accords intergouvernementaux restreignant le libre-échange. Enfin, la charte contient la « constitution » d'une organisation internationale du commerce et prévoit des procédures de règlement pacifique en matière de différends économiques.
D'inspiration essentiellement libérale et libre-échangiste, selon le vœu des États-Unis, la charte avait dû inclure, sous la pression des autres États, des clauses permettant aux États de déroger en certains cas au principe de liberté. Texte de compromis, elle ne satisfaisait pleinement aucun État. Face à l'hostilité des milieux économiques américains, le président Truman décida de ne pas ratifier la charte. La défection de la première puissance économique mondiale fera perdre tout intérêt à ce document qui, par suite, ne sera pas ratifié par les autres signataires et n'entrera pas en vigueur. L'abandon de la charte de La Havane assurera par contrecoup la pérennité de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (G.A.T.T.) négocié en même temps que la charte et à l'origine destiné à s'appliquer provisoirement, avant la constitution de l'Organisation internationale du commerce.
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Écrit par
- Pierre Michel EISEMANN : professeur à l'université de Paris-XIII
Classification
Autres références
-
OMC (Organisation mondiale du commerce)
- Écrit par Marie-France BAUD-BABIC , Encyclopædia Universalis et Georges LABAKI
- 6 214 mots
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Adopté à la conférence de La Havane en 1948 dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale, qui a vu naître un certain nombre d'institutions multilatérales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, le GATT avait tant bien que mal régi le commerce international avec pour...