CHARTISME
Mouvement politique et social anglais qui se développe au cours des années 1838-1848 et qui tire son nom de la Charte du peuple, document exposant six revendications majeures : suffrage universel pour les hommes à partir de vingt et un ans ; éligibilité de tous les citoyens ; élection annuelle du Parlement ; scrutin secret ; indemnité parlementaire ; redistribution des circonscriptions. Ce programme démocratique n'est révolutionnaire que si on considère l'état du régime britannique en 1838, les préjugés tenaces de la classe dirigeante à l'encontre du pouvoir des « masses stupides » et la perspective d'une destruction du système socio-économique au cas où un peuple souvent miséreux serait admis à prendre légalement le pouvoir.
Le chartisme est l'expression des espérances de deux catégories sociales : une fraction de la bourgeoisie, ralliée aux idéaux du radicalisme et qui, à Birmingham en particulier, s'est regroupée autour de journalistes comme Thomas Attwood ; la partie la plus consciente de la classe ouvrière, à l'origine dominée par des chefs londoniens comme Francis Place et William Smith O'Brien, imprégnée des principes socialisants de Robert Owen, découragée par l'échec des tentatives syndicales antérieures. Aux prolétaires du Sud s'ajoutent les ouvriers de la Grande-Bretagne industrielle, ceux des entreprises textiles du Lancashire et du Yorkshire, les mineurs du Nord anglais, du pays de Galles et de l'Écosse, en général plus sévèrement frappés par les maux du système industriel nouveau, aux traditions plus combatives, à l'impulsivité plus forte : ils vont trouver leur chantre dans le journaliste Feargus O'Connor. Au départ, tous ont été ligués par la grande déception de 1832 : la réforme parlementaire promulguée alors s'est faite uniquement au profit des classes moyennes et le corps électoral a été limité à une minorité aisée et éduquée.
La méthode choisie pour la revendication est inspirée des souvenirs de l'agitation jacobine des années 1790 : faire adopter les termes d'une pétition nationale au cours de réunions de masse, y obtenir la désignation de délégués à une Convention qui serait chargée de mettre définitivement au point la pétition et de la présenter au Parlement. En cas de rejet, d'aucuns seraient disposés à déclencher une grève générale pour faire pression sur les détenteurs du pouvoir. Le mouvement obtient rapidement une grande audience populaire, due en partie aux souffrances aiguës que provoquent des crises périodiques particulièrement rapprochées dans les années 1830. Une première pétition est communiquée au Parlement en 1839, sans résultat : la grève déclenchée ici et là ne rencontre pas un soutien suffisant pour emporter la décision. En outre, les chartistes se sont très rapidement divisés entre partisans d'une action purement pacifique fondée sur la persuasion et tenants de l'emploi de la force physique, disposés à propager la révolte pour détruire l'ordre existant ; la diversité sociale du recrutement des chartistes, l'extraordinaire variété des conditions de vie et de la combativité des ouvriers, le rôle certain des traditions historiques, l'influence plus ou moins grande de scrupules religieux enlèvent au mouvement chartiste toute véritable homogénéité. À partir de 1839, le mouvement devient plus « septentrional », O'Connor s'empare des rênes, son journal le Northern Star joue un rôle capital, le bourgeois s'effraye et s'écarte, les sous-entendus sociaux de la revendication démocratique prennent plus de vigueur. Une deuxième pétition est formulée en 1842, toujours sans succès, et les troubles qui éclatent par endroits, entre autres dans le pays de Galles, permettent d'emprisonner plusieurs meneurs pour des périodes variables, dont O'Connor.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Roland MARX : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Média
Autres références
-
GALLES PAYS DE
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Roland MARX
- 2 520 mots
- 3 médias
Au xixe siècle, le pays de Galles a subi le reflet des luttes communes à toute la Grande-Bretagne sur le thème de la démocratie. Le mouvement chartiste des années 1838-1854 s'est manifesté avec une particulière violence en 1839 à Newport et dans sa région, où eut lieu une véritable « insurrection... -
LONDRES
- Écrit par Martine DROZDZ , Roland MARX et Frédéric RICHARD
- 11 428 mots
- 11 médias
...voir s'amplifier encore ces menaces au temps de la révolution industrielle et, entre 1838 et 1848 notamment, de connaître ici un des bastions du « chartisme », mouvement de revendication des libertés démocratiques ; il paraît pendant une décennie susceptible de se transformer en un immense mouvement... -
ROYAUME-UNI - Histoire
- Écrit par Encyclopædia Universalis , Bertrand LEMONNIER et Roland MARX
- 43 835 mots
- 66 médias
...mines de 1842, qui les écarte du travail au fond, et la loi de dix heures de 1847. Cette timidité explique pour partie l'essor du mouvement politique chartiste entre 1838 et 1848 (il survit ensuite jusque vers 1854) : il est né de la déception provoquée par la réforme de 1832, qui a corrigé des abus,... -
SOCIAL HISTORY
- Écrit par Bertrand MÜLLER
- 1 737 mots
...sociale et conscience de classe à l'état des rapports économiques de production. L'historien privilégie une lecture politique, analysant le chartisme (mouvement politique et social des années 1838-1848) dans sa dimension culturelle, pour mettre en évidence les conflits sociaux au travers...