CHASSE
La chasse comme signe social
La chasse est aussi vieille que l'humanité. Les origines de la chasse s'identifient aux origines de l'homme. En effet, à la différence de la plupart des autres grands primates, les hominidés sont depuis leur apparition des carnivores et des prédateurs. Ce que nous savons des âges préhistoriques nous montre que l'homme a consacré, partout où il a vécu et pendant des millénaires, une part importante de son temps, de son énergie et de son inventivité à pratiquer la chasse. Même lorsque, au néolithique, l'homme a développé l'élevage et l'agriculture, il n'a pas cessé pour autant de chasser. Tout au contraire, il a intégré dans l'acte de chasse les progrès techniques : armes de poing ou de jet. Nul n'est capable de dire à partir de quel tournant de l'histoire des sociétés humaines la nécessité de chasser a cédé la place au plaisir de la chasse tel que nous le percevons de nos jours. En réalité, il n'est pas pertinent de distinguer la chasse-nécessité de la chasse-loisir. Cette dernière semble avoir toujours été également considérée comme une nécessité physique, sociale, voire politique, ne conservant parfois qu'à titre secondaire une fonction alimentaire.
La chasse s'est imposée comme le lieu de la vérité social du chasseur. Les plus anciens traités de chasse ont été écrits pendant l'Antiquité. L'Art de la chasse de Xénophon rédigé au ive siècle avant notre ère est considéré comme le premier traité cynégétique de l'Histoire. L'auteur y décrit la chasse en tant que pratique éducative, qui permet de pousser les jeunes gens à la vertu : franchise, maîtrise de soi, prudence. Le poète Horace, trois siècles plus tard, ironise dans une satire sur la vantardise des chasseurs de sanglier qui se pavanent dans les rues de Rome. Ainsi, apparaît l'ambiguïté morale de la chasse, espace de bien et de mal, occasion de vérité, de mensonge et de vanité. L'homme à la chasse atteint l'aboutissement de sa condition ambivalente, à la fois comme maître de la création et comme créature empêtrée dans son animalité. Le prototype de cette contradiction se trouve dans la légende universelle de la chasse au loup, représentée comme une lutte contre le mal, et associée à l'image du chasseur dévoré par l'objet de sa chasse.
L'habileté à la chasse est un signe de force et d'importance, tout comme le lien privilégié à l'animal sauvage est un signe d'une reconnaissance hors norme. César dans ses Commentaires vante l'agilité des Gaulois à la chasse avec des chiens courants. Appien d'Alexandrie, dans le livre IV de son Histoire Romaine, confirme le fait, citant le roi arverne Bituit (iie siècle av. J.-C.) dont l'imposante escorte comprenait toujours sa meute. La chasse aux grands animaux a très tôt été vécue comme une affaire de princes. La plus ancienne représentation d'un chasseur (si l'on excepte l'homme esquissé dans la salle du Puits à Lascaux) est celle d'un roi : il s'agit d'un bas relief en albâtre du palais royal de Kalhu (Nimrud) daté de 880-860 avant notre ère, représentant le roi assyrien Assurnasirpal II chassant le lion sur son char. Le roi Clovis était également réputé en tant que chasseur. Sa victoire de Vouillé sur les Wisigoths en 507 est due, si l'on en croit Grégoire de Tours, à l'intervention providentielle d'une biche, qui lui révéla un gué par où son armée put franchir la Vienne en crue. Ce lien privilégié à l'animal est signe d'un rapport unique à la nature crée par Dieu, comme en témoignent les animaux associés aux saints et la vie de saint François d'Assise. Charles, empereur d'Occident, est devenu Charlemagne (magne : grand) non pas en raison de ses conquêtes, mais à la suite d'un fait de chasse rapporté par Eginhard : il aurait affronté seul un ours au corps à corps. Beaucoup[...]
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Écrit par
- Xavier PATIER : écrivain, administrateur de la Fondation pour la Maison de la chasse et de la nature
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