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CHASSE

La meute comme signe nobiliaire

La chasse à courre et plus précisément son emblème, la vénerie royale et ses meutes, illustre l'évolution des significations accordées à la chasse. Considérée souvent comme une invention des Gaulois – ce qui est difficile à prouver –, la chasse à courre participe à l'identité française. Au début du xive siècle, la technique et l'éthique de ce mode de chasse a progressivement connu une codification. Sur le plan technique, la fin du Moyen Âge voit se développer une véritable science de la chasse, qui comprend des singularités comme l'art de faire le pied (repérer avant la chasse des traces de l'animal), ou encore l'examen des fumées (excréments) de cerfs avant de décider de l'attaque. Ainsi voit-on l'ambassadeur du roi d'Angleterre Henri VIII rendre compte avec perplexité de la manière dont les veneurs de François Ier débattent sans fin sur les fumées déposées sur la table du roi. Sur le plan éthique, une longue tradition de traités confère à la chasse à courre une sorte de supériorité philosophique. Le Livre de chasse de Gaston Phébus (1389), à côté d'une somme considérable de renseignements zoologiques et techniques, donne, dans le ton de Xénophon, des règles morales : il dépeint le bon veneur comme un être humain de qualité, capable de tempérance et de sens de l'émerveillement. Il inaugure ainsi une tradition propre à la vénerie française : l'art de chasser bellement ou noblement, c'est à dire loyalement et dans le respect du gibier. Cette tendance trouve une expression particulière dans l'œuvre de Jacques du Fouilloux La Vénerie (1561) où il est écrit : « À ce jeu qui est de vénerie, on doit jouer Foi et Chevalerie. » Veneur et cerf sont en forêt à armes égales. Laisser sa chance à l'animal est une constante dont on trouve une traduction tardive par exemple dans l'arrêté du 18 mars 1982 qui dispose, s'agissant de la chasse à courre du cerf : « Les relais en voiture et en camion sont interdits. »

La vénerie est liée dès l'origine à un certain usage social du chien en meute, qui demeure une de ses caractéristiques. Pierre Astier, l'auxiliaire fondateur de la vénerie française, cite : « Le chien à oreille tombante qui ne cherche pas à se rendre maître du gibier par la vitesse ni par la patiente approche, mais par la ténacité qu'il a mise à le poursuivre, à courir infatigablement derrière lui... » Ce chien courant est renommé dès la fin de l'Antiquité. Il est à l'origine de la race des chiens grands saint-hubert qui composaient les meutes des rois carolingiens et constituent une des souches des chiens courants modernes. Ce type de chien a connu de nombreux apports, comme les chiens gris ramenés du Proche-Orient par Saint Louis à l'occasion des croisades au xiiie siècle ou la race des « greffiers » sélectionnée par Louis XII au xve siècle. Au xviiie siècle, alors que la vénerie royale connaît son sommet (sous Louis XV la meute dédiée au courre du cerf comprend 614 chiens), des chiens d'origine normande remplacent progressivement les chiens d'origine saint-hubert. Au xixe siècle, les races modernes sont créées notamment par l'apport de sang de fox-hound anglais aux vieilles races françaises. Cela posé, le chien et la meute n'ont pas toujours occupé cette place remarquable, même si il est clair que le chien a toujours été une aide à la chasse. Il faut attendre la fin du xive siècle pour que l'image du chien se positive. Les grand traités de chasse médiévaux, comme Le Livre du roy Modus et de la royne Racio (Henri de Ferrières, 1375), imprégnés de l'image négative qu'en donne la Bible, traitent le chien sans complaisance : il y est décrit comme un animal vil et luxurieux. Quelques années plus tard Gaston Phébus dans[...]

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Écrit par

  • : écrivain, administrateur de la Fondation pour la Maison de la chasse et de la nature

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