CHASSE
L'art affirme la place sociale de la chasse
On prétend que la chasse est, avec la religion et la guerre, le thème le plus représenté dans l'art depuis les origines. Quoi qu'il en soit, il est sûr qu'elle est le premier sujet à apparaître dans l'histoire de la peinture. Les grottes de Lascaux, vieilles d'environ dix-huit mille ans, représentent explicitement des gibiers chassés, ainsi que des armes de jet, et même, tout au fond de la galerie, la représentation mystérieuse de la silhouette d'un chasseur renversé par le bison qu'il cherchait à tuer avec sa lance. Le premier chasseur représenté serait ainsi un homme mourant. La grotte de Vieja à Alpera (Espagne) propose la première représentation connue d'un chien : il s'agit d'un chien de chasse. L'Antiquité fait une large place dans la sculpture à Artémis et Diane, déesses de la chasse. Le thème de la chasse au sanglier, chasse rude et éprouvante, véritable épreuve de virilité et d'habileté, figure de manière fréquente dans les mosaïques antiques. Le Moyen Âge fait entrer la chasse dans la littérature, et par le même occasion dans l'art de la gravure et de l'enluminure. Le Livre de chasse de Gaston Phébus (1389), Le Livre de chasse du roy Modus et de la royne Racio (1375) sont célèbres autant pour leurs miniatures que pour leur texte. Écrites à partir de 1411, Les Très Riches Heures du duc de Berry offrent, sur douze thèmes traités, deux thèmes de chasse : une partie de fauconnerie (mois d'août), et un hallali de sanglier à proximité du château de Vincennes (mois de décembre).
La Renaissance, par sa passion à la fois pour l'Antiquité et pour la liberté, a confirmé la place majeure de la chasse dans l'univers artistique. Les gravures, puis les tapisseries à sujet cynégétique se sont répandues au xvie siècle, notamment à partir de l'exemple des Chasses de Maximilien, l'empereur germanique ou du Venatione Ferrarum de Joan Stradamus. La période qui suit la Renaissance voit apparaître la vogue, ou en tout cas la pratique courante du « portrait en costume de chasse » : portait de Claude de Lorraine en fauconnier par Philippe de Champaigne ; portrait du prince de Galles servant un daim par Robert Peake l'ainé (1619) ; portrait de Charles Ier d'Angleterre à la chasse par van Dyck ; de Philippe IV d'Espagne par Velasquez. François Ier, « père des veneurs », a perdu l'exclusivité de la représentation royale en chasseur. En même temps, l'école flamande trouve dans la chasse une source d'inspiration inépuisable, avec Rubens et Snyders.
Les xviie et xviiie siècles, si différents qu'ils soient, ont en commun de mettre l'animal au centre de la représentation cynégétique. Louis XIV fait peindre par Desportes les portraits de ses chiens, dans un style quasi documentaire, qui se rapprocherait de celui des végétaux sur vélins dont il entreprend la collection. Louis XV, sous le pinceau de Jean-Baptiste Oudry, continue de représenter la chasse royale, en accentuant l'effet de mise en scène. Jean-Baptiste Siméon Chardin se consacre pour sa part à la peinture de gibier mort, peut-être pour ne pas donner l'impression de vouloir se mesurer à Desportes et Oudry, peintres de chasses vives.
Le xixe siècle marque un profond mélange des attitudes quant à la représentation de la chasse et des animaux concernés. Il est, à bien des égards, un âge d'or de la ruralité et de sa représentation en peinture mais, il conserve un peu du caractère nobiliaire de certaines chasses, tout en s'enrichissant des chasses exotiques. Les Anglais Stubbs, Reinagle ou Morland s'expriment ainsi notamment dans la représentation de la chasse à courre au renard. En France, Delacroix goûte la chasse exotique, et notamment le romantisme effrayant des chasses au lion. D'autres maîtres font[...]
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Écrit par
- Xavier PATIER : écrivain, administrateur de la Fondation pour la Maison de la chasse et de la nature
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