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CHASSE

L'encadrement juridique de la chasse

L'examen du cadre juridique de la chasse vient combler les lacunes de l'examen des productions artistiques. On ne trouve pas trace avant le Moyen Âge d'un droit spécifique de la chasse. Dans le droit romain, le droit de la chasse ne se distingue pas du droit de propriété : chasser est un usus parmi les autres au bénéfice du propriétaire. L'empereur lui-même ne chasse que sur ses domaines (les domaines du fisc). Il n'existe donc pas de droit de suite chez les Romains, comme l'aurait supposé logiquement la chasse « gauloise » aux chiens courants. Le gibier est res nullius, il appartient au propriétaire du terrain sur lequel il est pris.

Des règles spécifiques apparaissent sous l'ère carolingienne. À partir de viie siècle est évoquée la notion de « droit de forest », qui consiste à donner dans certaines conditions et à certains privilégiés un droit de chasse chez autrui : dans la féodalité naissante, le droit de chasse, d'accessoire du droit de propriété qu'il était, tend à devenir un accessoire du droit de justice. Le « droit de garenne » permet vers le xe siècle au seigneur de chasser au-delà de son fonds, chez les propriétaires non détenteurs d'une seigneurie. La grande ordonnance de Charles VI (janvier 1326) réserve la chasse aux titulaires d'une garenne ou d'un fief. Contrairement à une idée reçue, elle ne fait pas exactement de la chasse un privilège de la noblesse, ce qu'elle n'a jamais été : elle la réserve aux titulaires du droit de garenne, qui restent souvent des roturiers. En même temps le droit Canon, qui interdit la chasse aux clercs depuis les Carolingiens, reconnaît un droit imprescriptible et naturel de chasser pour tous les hommes laïcs : les canonistes du Moyen Âge insistaient sur cette forme de « droit à la survie », antérieur et supérieur aux ordonnances royales. En pratique la chasse médiévale est peu limitée par le droit. La notion de braconnage n'existe pas, ou très marginalement. Dans la plupart des domaines, on chasse toute l'année.

L'ordonnance des Eaux et Forêts de François Ier de mars 1516 change la donne. Elle refonde le droit de chasse et consacre sa pénalisation. Ce texte affirme très directement que la gestion forestière est au service des plaisirs du roi, et il consacre de nombreux articles à définir les peines encourues par les braconniers, qui peuvent aller jusqu'à la peine capitale pour les récidivistes. En 1533, une nouvelle ordonnance tente, mais sans réelle application, d'aligner le Languedoc, resté en régime de droit romain, sur ce système de droit. La même époque voit la création des capitaineries, sortes de réserves intégrales de chasse au bénéfice du souverain. Louis XIV, avec l'ordonnance de Saint-Germain de 1669, confirme le système sans le bouleverser.

À la veille de la Révolution, le droit de chasse reste assez disparate selon les provinces françaises, et dans l'ensemble relativement libéral en dehors des capitaineries, qui ne concernent que des domaines de la couronne. Pour cette raison, et aussi à cause de la forte densité de la population rurale dans le royaume, le gibier est notoirement devenu rare en France, à la différence de l'Allemagne, par exemple. Magné de Marolles, dans son livre La Chasse au fusil publié en 1781, se félicite d'observer que la chasse à tir « fait les délices de tant de gens de tout état, et est à la portée de tout le monde. » Dans l'ensemble, la chasse est plus ouverte dans la France méridionale que dans les états de droit coutumiers, mais il est remarquable de voir que le privilège de chasse est très rarement dénoncé par les cahiers de doléances de 1789. Le droit de chasse est en réalité, comme l'ensemble du droit de la fin de l'Ancien Régime, fort enchevêtré et[...]

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Écrit par

  • : écrivain, administrateur de la Fondation pour la Maison de la chasse et de la nature

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