CHASSEURS-CUEILLEURS (archéologie)
Les organisations sociales
La variété de ces sociétés implique des organisations tout aussi variées. L’ethnographie montre que même les communautés les plus simples ont des leaders, mais que ceux-ci ont au moins autant de devoirs que de droits et qu’il existe des mécanismes de résistance au pouvoir, comme l’a avancé Pierre Clastres à propos des Amérindiens d’Amazonie. Ainsi, le « chef » doit consolider son prestige en redistribuant régulièrement les biens acquis, tandis que le partage de la nourriture entre l’ensemble des membres du groupe est en général la règle.
Pour les sociétés du Paléolithique, on a beaucoup glosé sur une tombe de Sungir en Russie, où le défunt était revêtu de milliers de perles d’ivoire de mammouth, tout en objectant que le temps de réalisation n’avait pas le même sens que pour nos sociétés industrielles. De fait, dans un sens pour ainsi dire libertaire, l’anthropologue étatsunien Marshall Sahlins a soutenu que les communautés de chasseurs-cueilleurs étaient les seules sociétés d’abondance de l’histoire humaine si l’on définit ce terme, non de manière absolue, mais relative : contrairement aux sociétés agricoles ou industrielles, la plupart de leurs membres ne travaillent que trois ou quatre heures par jour pour acquérir leur nourriture et bénéficient donc d’un bien meilleur profit rapporté au coût en temps et en énergie nécessaire à la satisfaction de leurs besoins.
La question de la domination masculine fait l’objet de débats. Si celle-ci est effective, quoique à des degrés divers, dans toutes les sociétés observées par l’ethnographie ou l’histoire, la présence de statuettes principalement féminines a pu suggérer dès le xixe siècle que le pouvoir politique aurait à l’origine appartenu aux femmes, à l’exclusion des hommes. Échafaudée par l’érudit suisse Johann Jakob Bachofen dans son Droit maternel (1861), reprise dans les années 1970 par l’archéologue lituano-américaine Marija Gimbutas avec le soutien de mouvements féministes, cette hypothèse ne repose cependant sur rien de concret. D’autant que beaucoup de mythes des origines, d’Ève à Pandore, évoquent eux aussi, pour justifier la domination masculine, un passé lointain où les femmes auraient exercé le pouvoir mais en auraient fait un tel mauvais usage que les hommes auraient dû le leur reprendre…
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Écrit par
- Jean-Paul DEMOULE : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
Classification
Médias