CHASSEURS-CUEILLEURS (archéologie)
Transitions, échanges et ruptures
La transition vers l’agriculture a coïncidé avec la fin de la dernière glaciation, il y a environ 12 000 ans, à l’époque où l’humanité comptait moins de 2 millions d’individus sur Terre. Si elle n’a concerné au début qu’un petit nombre de sociétés, l’avantage qu’elle leur a apporté en termes de démographie leur a permis de croître de manière exponentielle, en repoussant, exterminant ou absorbant les autres.
Il ne faut cependant pas se représenter ladite « révolution néolithique » comme une rupture brutale et définitive. La domestication animale, dont celle du chien, comme on l’a vu, était déjà connue de chasseurs-cueilleurs, dont certains ont aussi procédé à date récente à l’apprivoisement de jeunes animaux sauvages. D’autres peuvent pratiquer une petite horticulture d’appoint, comme en Amazonie ou dans la culture Jōmon au Japon. En Australie, l’incendie de prairies naturelles pour favoriser la repousse de certaines plantes, également pratiqué en Amérique du Nord, ou l’aménagement de cours d’eau en viviers naturels, constituent autant de formes intermédiaires de rapport à la nature. Outre les pratiques sédentaires de certains chasseurs-cueilleurs, en relation avec des ressources aquatiques, déjà évoquées, mentionnons aussi les inventions techniques qui ont précédé le Néolithique et que celui-ci a reprises, comme la poterie, les outils de mouture permettant de broyer les matières végétales, ou encore le polissage des haches. Enfin, des interactions entre chasseurs-cueilleurs et agriculteurs sont attestées aussi bien avec la culture scandinave de Ertebølle, au Ve millénaire avant notre ère, que chez les Amérindiens des Plaines échangeant la viande de bison contre le maïs de leurs voisins méridionaux, ou encore dans les relations entre agriculteurs bantous et chasseurs pygmées.
Il reste que ce sont bien les agriculteurs de nos sociétés qui l’ont finalement emporté, repoussant les derniers chasseurs-cueilleurs dans les lieux les plus inhospitaliers du globe, avant leur disparition définitive. De nos jours, il ne subsiste plus guère de lieux sauvages, les derniers étant soigneusement réglementés dans le cadre de réserves naturelles où les animaux sont dûment décomptés, soignés ou « prélevés ». La pêche industrielle reste néanmoins une activité de type « paléolithique », même si les « fermes » à poissons se multiplient en mer. Et plus généralement, pour reprendre la citation d’André Leroi-Gourhan, notre mode de vie industrielle reste une prédation à très grande échelle.
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Écrit par
- Jean-Paul DEMOULE : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
Classification
Médias