CHÂTEAU FORT
Les transformations du XIIIe siècle
Vers la tour cylindrique
Enfermés dans le donjon comme dans un vaisseau à l'épreuve des tempêtes, le seigneur et la garnison peuvent soutenir siège et assaut grâce à la massivité de la construction et aux flèches qui dissuadent l'ennemi d'approcher. En fait, la défense, qui s'exerce de haut à partir des archères, des créneaux et des premiers mâchicoulis (Niort, vers 1170), est presque uniquement passive. Aussi les architectes ont-ils cherché non seulement à accroître la résistance des matériaux au choc, mais également à trouver des formes qui éliminent les angles morts. Après maints tâtonnements, dont témoigne le xiie siècle, on s'est arrêté, en France du moins, à la forme cylindrique qui connut un grand succès et produisit des chefs-d'œuvre, tel le donjon de Coucy (diamètre 31 m, hauteur 55 m). Pour éviter les incendies, les étages furent voûtés, et pour faciliter les sorties la porte fut reportée au rez-de-chaussée. Bien adaptée à des fins militaires, la forme ronde l'est beaucoup moins à l'usage d'habitation. C'est pourquoi elle ne fut guère adoptée dans les régions qui demeurèrent fidèles, par archaïsme ou nécessité, au grand donjon résidentiel.
Vers l'enceinte géométrique sans donjon
Le second changement et le plus décisif fut de reporter la défense sur le mur de la basse-cour en le flanquant de tours saillantes, dont une paire fut placée de part et d'autre de l'entrée. Les progrès furent si rapides en France et en Angleterre qu'ils permirent de s'affranchir des contraintes du site et d'élaborer des plans géométriques ramassés qui rendirent caduques toutes les formules antérieures. On en revint à l'enceinte. Considéré comme inutile, le donjon disparut. Là où il fut conservé comme symbole de domination, tel qu'au Louvre, il cessa d'être habité en permanence. Le maître eut son logis dans la cour, avec la grande salle carrelée inondée de lumière et la chapelle aux belles verrières, plaquée, comme le reste de l'habitation, contre la muraille autour de la cour. Esquissée sous Philippe Auguste, la nouvelle formule devait triompher dans le château polygonal de Castel del Monte en Italie du Sud et surtout dans ceux qu'Édouard Ier fit construire au pays de Galles vers 1300. Tout au plus ce prince accorda-t-il, dans cette région encore insoumise, une importance spéciale au châtelet d'entrée, dont le profil élevé et la fonction de logement pour le gouverneur s'accusèrent à tel point que dans certains cas elles évoquent encore les anciens donjons.
Si l'on en juge par les comptes de l'Échiquier anglais, de telles constructions en pierre étaient très coûteuses. Seuls les grands princes pouvaient en assumer les frais. Leur multiplication est un signe d'un renforcement du pouvoir monarchique en Occident. Tandis que s'opérait cette révolution, la masse des seigneurs continuait à vivre dans des châteaux périmés. Certains élevaient encore des mottes – désormais quadrangulaires – dans la première moitié du xiiie siècle. S'épuisant à moderniser leur demeure, beaucoup étaient entraînés dans un processus de déclassement qui touchait en même temps le lignage et le bâtiment.
Enfin, le relâchement des solidarités traditionnelles conduisait les chevaliers de la mesnie castrale à s'installer sur leurs terres, tandis que, favorisés par les défrichements, les cadets de grandes familles fondaient à l'écart des seigneuries villageoises. À cet éclatement de l'entourage des châtelains correspond la naissance d'un nouveau type d'habitation, la maison.
Maison et maison forte
Le château se trouvait proche de l'habitat paysan, l'englobant parfois dans ses défenses avancées. La maison se tient plutôt à distance, encore que cette règle n'ait[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Michel BUR : professeur d'histoire du Moyen Âge à l'université de Nancy-II, directeur de l'équipe de recherche associée au C.N.R.S.
Classification
Médias
Autres références
-
CASTELLOLOGIE, architecture
- Écrit par Philippe DURAND
- 925 mots
- 1 média
La castellologie (du latin castellum, château) est la discipline qui étudie le château du Moyen Âge et par extension l'architecture fortifiée de cette période. Le castellologue en est le spécialiste.
Le terme « castellologie » a été créé dans les années 1960 par Michel de Bouärd et son...
-
ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) - Brique et pierre
- Écrit par Josiane SARTRE
- 4 575 mots
- 2 médias
...d'heures, calendriers consacrés aux scènes de la vie courtoise, aux occupations à la campagne comportent, dans les parties supérieures de leurs miniatures, des représentations toujours très précises du château fort ou de la ville fortifiée. Dans les Chroniques de Jehan Froissart en 1461-1467, dans la... -
CHAMBORD
- Écrit par Gérard ROUSSET-CHARNY
- 827 mots
- 1 média
Demeure étrange, édifiée dans une plaine assez désolée, Chambord est un château, à la fois prodigieux et inhabitable, créé par François Ier en 1519. La construction se prolongea jusqu'à la mort du roi pour ne prendre fin que sous Henri II. La grande activité du chantier se situe entre...
-
CHÂTEAUX
- Écrit par C.R.H.A.M.
- 1 316 mots
- 4 médias
Jusqu'au xixe siècle, on a construit des châteaux en Europe occidentale et surtout en France. Ce pays en possède une quantité et une variété encore extraordinaires malgré l'ampleur des destructions. Le phénomène est d'importance et intéresse l'histoire de l'architecture domestique, de la...
-
FONCTIONNALISME, architecture
- Écrit par Cariss BEAUNE
- 876 mots
- 2 médias
On pourrait définir le fonctionnalisme comme une réponse plus ou moins appropriée aux besoins spécifiques d'une époque ou d'une société donnée. Dans le domaine de l'art, en particulier, un objet est perçu comme un objet d'art, selon Panofsky, quand la forme l'emporte sur la fonction, c'est-à-dire...
- Afficher les 10 références