CHAVAL (1915-1968)
L'œuvre du Français Chaval, de son vrai nom Yvan Le Louarn, s'inscrit dans la tradition du dessin d'humour ; mais l'artiste a porté cette tradition bien au-delà de ce qu'ont réalisé ses prédécesseurs. « Si mes dessins sont meilleurs que les autres, a-t-il déclaré, c'est qu'ils vont jusqu'au bout. Mais ils vont jusqu'au bout parce que j'y vais moi-même, et que je me détruis aussi. » (Le dessinateur poussa la logique de sa démarche jusqu'à sa conséquence ultime : le suicide.)
Cette notion de destruction, voire d'autodestruction, appelle une attention particulière. Chaval est l'inventeur d'un univers dans lequel les relations entre les protagonistes d'un rituel sanglant sont altérées. Ses cycles consacrés à la tauromachie et à la chasse montrent les deux partenaires d'un jeu mortel — torero et taureau, chasseur et lion — dans des situations où l'absurde vole au secours de la fatalité et élude, pour un instant, la mort. Dans cette esquive s'introduit une complicité, voire une tendresse, entre les deux ennemis. Un dessin illustre bien ce paradoxe : un torero flanqué de son taureau réclame une chambre à deux lits à la réception d'un hôtel. Chaval nous convie donc à un rituel parallèle à celui que nous connaissons. Sans doute joue-t-il avec son angoisse, avec la nôtre aussi... ; sans doute cet absurde diffère-t-il pour un instant la destruction et symbolise-t-il le temps accordé à une vie vouée à la mort. Il y a dans ces représentations échange d'attributs entre l'homme et la bête (le chasseur s'enferme dans une cage pour peindre un lion en liberté), mimétisme qui les conduit à troquer leurs rôles respectifs (le torero mort tiré hors de l'arène par deux chevaux).
Il faut faire une place particulière au monde inquiétant des oiseaux qui paraissent infiniment plus dangereux que le lion et le taureau, sans doute parce qu'ils ont un bec de rapace et qu'ils prolifèrent comme les insectes et les hommes (Les oiseaux sont des cons, court-métrage, 1964). Il y a bien des traits à souligner dans l'œuvre de Chaval : l'amertume figée comme un masque sur la face de ses personnages, l'ahurissement de ces derniers devant l'événement, le savant malentendu organisé entre les légendes et les images qu'elles sont censées commenter. Grâce au caractère familier de ses dessins, Chaval a su donner du naturel à l'absurde.
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Écrit par
- Marc THIVOLET : écrivain
Classification
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