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CHEFFERIE

L' anthropologie sociale, plus encore peut-être que l'histoire, élargit l'interprétation courante de la définition aristotélicienne de l'homme comme être naturellement « politique » à bien d'autres références que les sociétés dites « historiques » ou que les sociétés dominées par un appareil étatique. Dans la diversité effective des degrés et des types d'organisation du pouvoir politique, la chefferie représente une formule qui s'est imposée à l'observateur des sociétés traditionnelles, en dépit de la part d'arbitraire ou d'ambiguïté qu'elle comporte, en Océanie, mais aussi en Afrique.

Les chefferies africaines

On ne peut parler de « chefferies » africaines sans admettre d'abord, d'une part, que cette expression recouvre des réalités sociopolitiques extrêmement diversifiées, et, d'autre part, que les formes du pouvoir politique qu'elles caractérisent sont rarement figées mais, au contraire, subissent des contraintes historiques, démographiques ou simplement écologiques qui font d'elles un centre privilégié du dynamisme social.

Si elle est devenue tout à fait commune, cette expression a pour origine une attitude coloniale qui envisageait l'« autre » dans le halo de l'exotisme et qui visait à bâtir l'administration des territoires et des hommes. La formule britannique indirect rule (gouvernement indirect) exprime bien le souci qu'avaient les colonisateurs de comprendre les institutions politiques africaines traditionnelles (par opposition à celles du monde européen) et de les utiliser, aussi diversifiées fussent-elles, de manière à mettre en place des formes de relais du pouvoir adaptées à chaque situation particulière. Les États africains en accédant à l'indépendance ont perpétué cette approche du fait politique traditionnel et son traitement administratif. Aussi convient-il de distinguer, dans la situation actuelle, les chefferies créées et mises en place depuis la colonisation de celles qui conservent une authenticité africaine, quand bien même elles n'ont pu se soustraire aux pressions politiques contemporaines.

Du fait de leur caractère très élaboré, de leur cohésion et de leur permanence, les chefferies bamiléké sont souvent citées en exemple dans la littérature anthropologique. Au sud-ouest des plateaux du Cameroun occidental, elles voisinent avec le royaume bamum, et avec des populations où le pouvoir politique est éclaté au sein des groupes de parenté. Chacune d'elles est établie sur un territoire bien délimité, dont les frontières sont parfois matérialisées par des tranchées. Le chef (fon, foyne, mfe, mokondji selon les régions) est étroitement associé à son terroir, dans une relation « écologique » qui s'exprime à travers une sacralisation de sa personne et de la terre – sacralisation telle qu'à la mort du chef les cultures sont interrompues. La population d'une « chefferie » est hétérogène, c'est-à-dire que des étrangers peuvent s'établir à côté du ou des patrilignages dominants sans pour autant se confondre avec eux, mais ils reconnaissent l'autorité du chef, qui leur permet de cultiver une parcelle du sol. L'extension démographique des chefferies est inégale. J.-C. Barbier notait en 1967 que, sur un total de 121, 88 avaient moins de 5 000 habitants, avec un minimum de 500, tandis que celle de Bandjoun, la plus vaste, réunissait environ 40 000 personnes. De tels écarts numériques entraînent nécessairement des différences importantes dans la pratique du pouvoir, d'une chefferie à l'autre.

Le nouveau chef bamiléké est désigné parmi les fils du défunt sans que soit prise en compte la primogéniture. Le plus souvent, en effet, le père avait, avant sa mort, notifié son choix à différents notables et chefs alliés, lesquels[...]

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Écrit par

  • : docteur en ethnologie, docteur ès lettres, professeur à l'université de Paris-X-Nanterre
  • : anthropologue, maître de conférences à l'École des hautes études en sciences sociales

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