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DIOP CHEIKH ANTA (1923-1986)

Mort subitement à Dakar le 7 février 1986, Cheikh Anta Diop a été inhumé dans le village de Thieytou, proche de Diourbel, où il était né le 29 décembre 1923. Des jugements contradictoires, souvent passionnels, ont été portés sur ses travaux. À partir de la seconde moitié des années 1960, les hommages de l'Afrique et de la diaspora noire ont compensé très largement les critiques. 1966 : prix du premier festival mondial des Arts nègres conféré à l'écrivain qui a exercé la plus grande influence, au xxe siècle, sur la pensée nègre ; 1975 : témoignage de l'African Heritage Studies Association pour sa contribution à la présentation et au développement de la vie et du patrimoine des peuples d'origine africaine dans le monde ; 1980 : médaille d'or de la recherche scientifique africaine, remise par l'Université nationale du Zaïre 29 septembre 1985 : célébration à Atlanta (États-Unis) du premier C. A. Diop Day.

Cheikh Anta Diop a occupé des fonctions qui ne reflètent qu'imparfaitement l'audience considérable de l'homme. Ancien élève de Frédéric Joliot-Curie, il avait créé, en 1966, le laboratoire de radiocarbone de l'I.F.A.N. (Dakar) qu'il a dirigé jusqu'à sa mort ; il était devenu, en 1970, membre du comité scientifique international pour l'histoire générale de l'Afrique (U.N.E.S.C.O.) ; son influence a été très forte, dans ce comité : il a proposé la tenue de plusieurs colloques, dont un au Caire, en 1974, consacré au peuplement de l'Égypte ancienne et au déchiffrement du méroïtique. Il est ensuite devenu un membre très influent du bureau du comité international pour la révision de l'histoire scientifique et culturelle de l'humanité (U.N.E.S.C.O.) ; il était aussi membre du bureau de l'Union internationale des sciences préhistoriques et protohistoriques, président de l'Association des chercheurs et savants du monde noir. Docteur d'État depuis 1959, il est devenu, en 1981, professeur d'histoire ancienne à la faculté des lettres de Dakar.

L'Europe, tout particulièrement la France, a beaucoup hésité à prendre en considération cet homme et les idées dont il était porteur. Soucieux de démontrer que, sur le très long terme, l'Afrique était à l'origine de bon nombre de formes des civilisations humaines, Cheikh Anta Diop faisait, en plein triomphe du positivisme historique occidental, un emploi de l'histoire que n'auraient désavoué, en Europe, ni Fichte, ni Marx, ni Georges Sorel. La consécration doctorale qu'il demandait à l'Université française ne lui a été accordée qu'avec réticence. Réticences, réserves, refus allaient le conduire à rechercher les preuves des grandes thèses qu'il avait formulées dès 1954 et qu'il a, jusqu'à la fin, affinées (Nations nègres et cultures : de l'antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique noire d'aujourd'hui, 1954).

On peut, aujourd'hui, mettre en lumière les raisons qui ont conduit Cheikh Anta Diop à l'intransigeance globale que beaucoup lui ont reprochée. Il lui fallait susciter et accompagner la « nouvelle naissance morale et spirituelle des peuples », aider à naître « une nouvelle conscience africaine, un nouveau tempérament national » – ces mots figurent dans son dernier ouvrage – et pour cela restaurer, chez les Africains, la fierté des héritages culturels. Même si ceux-ci ne pouvaient constituer, à eux seuls, les bases des développements actuels, la fierté et la conscience de l'unité linguistique profonde – que soulignait constamment la référence aux méthodes de travail sur les langues et les cultures indo-européennes – étaient capables de réveiller la conscience de l'unité historique. Les clés de son intransigeance sont là : désaliéner l'Afrique et ses peuples passait par une révolution[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-I

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  • SÉNÉGAL

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    Une partie de l'historiographie sénégalaise, dans la lignée de l'intellectuel Cheikh Anta Diop, assure que les peuples de l'espace dessiné par les fleuves Gambie et Sénégal (la « Sénégambie ») trouvent leur origine culturelle, linguistique et raciale dans l'Égypte pharaonique, mais les données empiriques...