CHÉRI SAMBA (1956- )
Le Congolais Chéri Samba est né, en 1956, à Kinto M'Vuila au Congo belge (aujourd'hui République démocratique du Congo). Il interrompt ses études secondaires en 1972, classé « 100 % meilleur dessinateur ». Il s'installe alors à Kinshasa sur l'avenue Kasa-Vubu comme peintre d'enseignes publicitaires tout en réalisant des bandes dessinées pour la revue Bilenge Info qu'il a fondée. En 1975, il commence à transposer ses bandes dessinées sur la toile inaugurant ainsi ce qu'il appelle « la peinture à bulles » qui porte des inscriptions en français et en lingala, langue apparentée au bantou. Tous ses tableaux de l'époque transcrivent sa vision de l'univers social, politique, économique et culturel du pays, alors appelé Zaïre. Il met en scène les faits de société qui dérangent, mœurs, sexualité, maladie (sida), inégalités sociales, corruption, et expose ses tableaux sur la façade de son atelier pour transmettre ses messages à la population kinoise qui a pris l'habitude de venir y commenter l'actualité. On retrouve d'ailleurs les mêmes préoccupations dans les tableaux de son frère, qui a été son élève, Cheik Ledy (1962-1997) mais exclusivement tournées vers la société congolaise.
Il rencontre très vite une grande popularité locale et parle de lui en utilisant l'expression « Cheri Samba : Artiste Populaire ». « Ce que je peins s'adresse à tout le monde et pas seulement aux initiés. Mes racines c'est le peuple, je ne veux pas m'en écarter, mes tableaux sont toujours porteurs de messages, de morale. Je voulais au départ que mes tableaux interpellent la population kinoise et par la suite tout le monde, partout. »
En 1982, il quitte pour la première fois Kinshasa pour Paris, répondant à l'invitation de Jean-François Bizot un des membres de la nouvelle équipe du magazine Actuel. Il met alors à profit ce séjour pour scruter la vie et les mœurs parisiennes. Il fait un deuxième voyage à Paris en 1989, à l'occasion de l'exposition Magiciens de la Terre à Beaubourg qui lui apporte une reconnaissance internationale.
Certains critiques ont reproché à Chéri Samba son recours à la caricature et il a répondu à leurs remarques : « En fait de 1975 à 1978 je vivais principalement des portraits de commanditaires qui étaient toujours satisfaits ; mais les critiques ne voyaient jamais ces tableaux ». À la fin des années 1980, Chéri Samba devient le sujet principal de ses tableaux, il veut que l'on connaisse non seulement son nom mais aussi son visage, à l'égal d'un présentateur de journal télévisé (Je suis un rebelle, 1999 ; J'aime la couleur, 2003).
Même si l'environnement et la vie quotidienne de Chéri Samba reviennent souvent dans ses tableaux, il se veut un « artiste universel » car pour lui Kinshasa n'est pas différente des autres capitales : « Il y a une pauvreté, une bêtise, une corruption, un chaos, une décadence universelle. Il n'y a en fin de compte pas de différences entre les noirs, les blancs, les jaunes. »
En 1997, Chéri Samba achève un grand triptyque intitulé Quel avenir pour notre art ? Dans le panneau de gauche, Picasso est assis à une table. Derrière lui, Samba est assis à une autre table qui porte des sculptures traditionnelles africaines. Dans le deuxième tableau, Samba et Picasso, chacun un tableau sous le bras, entrent au Centre Georges-Pompidou. Dans le troisième tableau, Picasso est exposé au musée tandis que Chéri Samba repart avec son tableau sous le bras.
Dans un entretien accordé à André Magnin en 1998, Chéri Samba a précisé ses intentions : « Ces tableaux où je me mets en scène avec Picasso sont une manière de rendre hommage à tous les artistes africains prétendus anonymes qui ont réalisé nos masques traditionnels et qui ont inspiré le cubisme. C'est une manière[...]
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Écrit par
- André MAGNIN : conservateur de la Contemporary African Art Collection, historien de l'art
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