BAKER CHET (1929-1988)
La mort sait parfois montrer une extraordinaire patience. Dévoré par la drogue, Chet Baker ne fut longtemps qu'un vivant en sursis. Sa brutale disparition a obéi à la logique inexorable des films noirs américains, à leur brumeuse ambiguïté, à leur poésie oppressante qui allume d'incertaines lueurs sur les pavés mouillés. Populaire trop tôt quand, jeune premier aux faux airs de James Dean, il jouait les utilités dans le contrepoint quelque peu convenu de Gerry Mulligan, Chet Baker a conquis au cours d'une carrière chaotique une resplendissante maturité dans l'indifférence générale. Il fut pourtant – à la trompette, au bugle, comme chanteur et comme leader – un des plus passionnants musiciens blancs du jazz de la seconde moitié du xxe siècle.
De l'Oklahoma au West Coast
Chesney Henry Baker naît le 23 décembre 1929 à Yale, dans l'Oklahoma. Son père, paysan et banjoïste, ne lui laisse pour tout héritage qu'un trombone et l'esclavage de la marijuana. De la formation musicale du jeune Chet nous ne savons presque rien. C'est comme trompettiste qu'il fait ses premières armes dans l'orchestre de danse de la Glendale High School ; il est alors fasciné par Harry James et Bix Beiderbecke. En 1946, il s’engage et joue dans l'orchestre de la 298e armée, stationnée alors à Berlin. C'est là qu'il découvre, à la radio et par le disque, les audaces du bop qui fusent sous les lèvres de Charlie Parker et de Dizzy Gillespie. De retour en Californie en 1948, il commence des études d'harmonie et de théorie musicale à Los Angeles. Il participe, au célèbre Lighthouse Cafe d'Hermosa Beach, à des jam sessions avec Art Pepper, Bud Shank et Shelly Manne, musiciens qui donnaient alors forme au style West Coast. En 1950, il s'engage à nouveau et l'armée l'affecte au Presidio Army Band de San Francisco. Il fréquente à cette époque les clubs de jazz du lieu, où il retrouve notamment Dexter Gordon et Paul Desmond. Chet Baker ne peut cependant s'empêcher de reprendre le cours tumultueux de sa vie agitée. Muté en Arizona, il déserte, joue avec Stan Getz et Charlie Parker, obtient d'être réformé.
Gerry Mulligan l'appelle en 1952 dans le premier de ses célèbres quartettes sans piano. D'emblée, le succès est considérable. Sa fine sonorité et son timbre délicat y font merveille, notamment dans sa ballade solo sur My Funny Valentine (1952), qui remporte un véritable triomphe.
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Média
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