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CHIASME, symbolisme

Le mot « chiasme » vient de la lettre grecque khi, qui s'écrit X ; il désigne toute structure qui se figure par la croix dite de Saint-André. Il exprime donc un aspect majeur du symbolisme de la croix : une croisée, une rencontre d'axes qui répartissent une réalité en régions différenciées. Il s'agit d'une forme de base dans la « dynamique » propre à la connaissance symbolique. C'est le signe du partage, de la séparation, de l'orientation et de la mesure propre à l'humain.

Il est en dialectique avec les grands symboles universels.

Il a rapport au cercle, en ce qu'il s'y inscrit comme sa quadripartie ; par là, il confère à cette image de l'éternité des valeurs symboliques temporelles cycliques. Il a rapport au triangle, en ce qu'il peut être lu comme l'opposition par le sommet de deux triangles dont l'un a sa base sur la Terre et l'autre a ses racines dans le Ciel. Il a rapport au carré, en ce qu'il figurerait la croisée des diagonales mettant en relation les opposés terrestres, notamment les points cardinaux, mais tout autant les qualités sensibles procédant des éléments. Terre, eau, feu et air pour la pensée grecque depuis la synthèse d'Empédocle à partir des répartitions sacrées de Pythagore ; terre-centre, eau, feu, bois et métal pour la pensée chinoise sur la base du cycle du Yijing et la répartition sacrée de Fuxi ; le chiasme porte toujours la multivalence mi-terrestre mi-céleste d'un ancêtre fondateur. Il a rapport enfin avec le centre, le point d'intersection où s'unifient et divergent paradoxalement les contraires.

Comme tout symbole majeur, le chiasme possède une double prégnance pour qui le médite : statique, car le chiasme déploie une réalité, la manifeste, la rend sensible, visible ; dynamique, car il est chemin, carrefour, seuil, passage d'une réalité manifeste à une réalité cachée ; en lui les contraires s'échangent, les orientations se renversent, les opposés circulent, les éléments se transforment les uns dans les autres, l'évolution et l'involution se croisent, l'inspiration et l'expiration alternent, l'unité et la diversité se repoussent et se compénètrent, etc.

Mais si la croix grecque symbolise une double opposition bien tranchée entre la verticale et l'horizontale et donc déploie des relations sur un fond d'absolu, tout autre est le chiasme dont les pôles opposés semblent tout baignés de relatif (mettant en dialectique la figure et le fond). De fait, le chiasme est le symbole de l'énigme humaine en sa position d'intermédiaire entre des réalités sans commune mesure, dont il opérerait une sorte de face à face, de dialogue, à travers l'espace proprement humain qu'il symboliserait. Il serait symbole d'une interface, d'une frontière reliant paradoxalement deux réalités relatives à l'humain : l'infra-humain et le supra-humain. Il opère la jonction de deux contenants a priori inconciliables, incommensurables, que l'on peut remplir de contenus déterminant une telle opposition : visible et invisible, humain et divin, rationnel et irrationnel, connu et inconnu, conscient et inconscient, etc.

Plongée dans un tel espace chiasmatique, une opposition quelconque se verrait immédiatement investie d'une dynamique transformelle qui en informerait un itinéraire, un parcours conscienciel. Dynamique archétypique de l'opposition, autrement plus riche qu'une simple dialectique conceptuelle (celle-ci n'en est qu'un cas limite, selon la bivalence propre au langage), formant comme l'Archématrice de toute dialectique : catégoriale ou métalogique, eidétique ou métamathématique. Le chiasme serait ainsi la clef initiante au monde symbolique : il ouvrirait la forme (triadique) de la conscience du sujet connaissant immergée dans l'objet, sur sa complétude comme possible[...]

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  • HOMME - La réalité humaine

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    On peut donc, poursuivant dans cette voie, soutenir, avec le dernier Merleau-Ponty, que l'homme et les choses du monde sont pétris d'une seule et même chair. Non certes qu'ils soient indistincts, mais en ce sens qu'ils deviennent, l'un et l'autre, dans un constant et inépuisable...