CHIBCHA ou MUISCA
Difficultés d'une chronologie
Au cours des recherches archéologiques effectuées dans la zone chibcha, on a pu constater que le haut plateau de Cundinamarca fut peuplé, il y a douze mille ans, de groupes dispersés vivant de chasse et de cueillette et habitant dans des abris-sous-roche, au voisinage des lacs. On n'a cependant pas encore pu établir les étapes de l'évolution de la culture chibcha, sauf dans sa phase protohistorique. Quelques objets d'or analysés au carbone 14 datent des vie et viie siècles, mais on ne connaît pas encore de longues successions céramiques, pas plus qu'on ne sait quel a été le développement préhistorique des techniques agricoles et des unités de peuplement. Dans la zone autrefois habitée par les Chibcha, on n'a pas encore découvert de sites archéologiques à dépôts culturels profonds, favorables aux fouilles stratigraphiques, de sorte qu'il nous manque une échelle chronologique permettant d'apprécier les différentes phases du développement des Chibcha.
Étant donné la rareté des données archéologiques, tant dans la Cordillère orientale que dans les régions voisines, il est très difficile de connaître avec certitude l'origine des Chibcha. On peut émettre l'hypothèse qu'il s'agit d'une culture qui s'est développée dans les basses terres inter-andines et qui est parvenue relativement tard sur les hauts plateaux, si l'on en juge par l'absence de vestiges archéologiques attestant une longue occupation et une continuité de développement. La religion et les rites comportent des éléments mésoaméricains qui existent d'ailleurs aussi dans d'autres cultures colombiennes et qui sont probablement dus à des influences, dont la pénétration s'est effectuée par l'isthme de Darién ou grâce à la navigation au large de la côte pacifique. Cependant, on relève aussi la présence d'influences venues des Andes centrales.
Au moment de la conquête espagnole, les Chibcha se trouvaient sur la défensive, attaqués par des groupes belliqueux, peut-être des Caraïbes qui remontaient la vallée du Magdalena et réalisaient une expansion sur les pentes des Cordillères. En quelques secteurs frontaliers où le versant oriental descend jusqu'au Magdalena, stationnaient des groupes de guerriers chibcha, appelés guechas, qui défendaient le haut plateau contre les attaques ennemies. C'est ce qui contribua, avec les fréquentes luttes internes entre les fédérations de villages et entre de petits caciquats locaux, à la rapide défaite des Chibcha devant les troupes espagnoles qui occupèrent en 1537, sous les ordres de Gonzalo Jiménez de Quesada, le haut plateau de Bogotá et de Tunja. Après la défaite militaire, la culture chibcha se désintégra rapidement et, dès le xviiie siècle, leur langue avait complètement disparu.
On rencontre aujourd'hui quelques petits groupes isolés dans les lointaines vallées de Boyacá, qui, s'ils sont biologiquement indigènes, ne représentent culturellement qu'un niveau paysan de la tradition espagnole ; seule reste la légende d'El Dorado, plus lointain souvenir du passé chibcha.
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Écrit par
- Gérard REICHEL-DOLMATOFF : directeur du département d'anthropologie de l'université de Los Andes, Bogotá (Colombie)
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