- 1. Les périodes
- 2. Le phénomène religieux shī‘ite en son essence
- 3. La théophanie et le plérome des Quatorze Immaculés
- 4. Les cycles de l'histoire sacrée et la parousie du XIIe Imām
- 5. Le shī‘isme iranien, des Safavides à la Constitution de 1906
- 6. Le clergé traditionnel et le modernisme inspiré par l'Occident
- 7. Khomeynī et la politisation du shī‘isme
- 8. Bibliographie
CHIISME ou SHĪ‘ISME
Le chiisme (shī‘isme) ne doit pas être désigné comme une « hétérodoxie » par rapport à un sunnisme qui serait l'« orthodoxie » islamique. Il n'y a ni concile ni autorité pontificale en Islam pour déterminer ces positions dogmatiques, et l'idée de majorité n'est pas plus l'équivalent d'orthodoxie que celle de minorité n'est l'équivalent d'hétérodoxie. Le shī‘isme représente une certaine manière de comprendre et de vivre l'islam qui remonte jusqu'aux origines de celui-ci, c'est-à-dire au vivant même du Prophète. Le mot « shī‘isme » est bizarrement formé en français par l'adjonction d'un suffixe tiré du grec au mot arabe shī‘a. La racine d'où provient ce dernier connote l'idée de suivre, d'accompagner. La shī‘a, c'est l'ensemble des adeptes, de l'école (il y a, par exemple, la shī‘a de Platon). Au sens strict du mot, la shī‘a, le shī‘isme, s'applique essentiellement aux fidèles qui professent la foi en la mission des Douze Imāms, c'est-à-dire les shī‘ites duodécimains ou imāmites tout court (le mot imām veut dire guide, principalement au sens spirituel). Au sens large, le mot peut désigner une vaste famille en mesure de se réclamer d'une ascendance shī‘ite. Dans cette famille entrent les Ismaéliens (comme shī‘ites septimains, différenciés des duodécimains à partir du VIIe Imām), et subsidiairement les Druzes et les Noṣayris. D'autres branches, tel le zaydisme (au Yémen), forment en quelque sorte transition avec le sunnisme.
Après le bref éclat jeté par les princes iraniens shī‘ites de la dynastie des Bouyides (xe s.), qui furent un moment les vrais maîtres de l'empire ‘abbāside, le shī‘isme duodécimain eut à traverser des siècles de persécution qui le réduisirent à la clandestinité. C'est seulement avec l'avènement de la dynastie safavide au xvie siècle et la reconstitution de la souveraineté nationale iranienne qu'il put revivre au grand jour, ce qui ne veut nullement dire que la pensée shī‘ite soit une création de l'époque safavide. La quasi-totalité de la population iranienne professe de nos jours le shī‘isme ; aussi bien, dès les origines, le shī‘isme avait-il pris fortement racine en Iran. Il y a, en outre, de forts îlots shī‘ites en ‘Irāq (où sont les lieux saints : Najaf, Karbalā, Kāẓimayn), au Liban, en Syrie, dans l'Inde, au Pakistan..., mais les statistiques, quand il y en a, ne fournissent pas des données numériques qui soient hors de doute. Aussi bien, par sa « discipline de l'arcane », le shī‘isme échappe-t-il plus que toute autre formation religieuse aux statistiques.
Les périodes
On peut à grands traits distinguer quatre périodes dans l'histoire du shī‘isme duodécimain.
La première période est celle des saints Imāms et de leurs adeptes et familiers. Elle s'étend jusqu'à la date qui marque le début de la « Grande Occultation » (al-ghaybat al-kobrā) du XIIe Imām (329/940). Cette même date est celle de la mort de l'un des premiers grands théologiens shī‘ites, Moḥammad ibn Ya‘qūb Kolaynī, qui rassembla en un corpus de plusieurs dizaines de milliers de ḥadīth les traditions rapportées des Imāms, lesquelles, constituant la sunna ou tradition proprement shī‘ite, sont aussi la source de toute pensée shī‘ite.
Une deuxième période s'étend depuis cette date jusqu'à la mort du grand philosophe et théologien shī‘ite, mathématicien et astronome, Nāṣir al-dīn Ṭūsī (mort en 1274), celui qui, lors du sac de Baghdād par les Mongols (1258), réussit à sauver le quartier et la population shī‘ites. Pendant cette période, les théologiens continuateurs de Kolaynī poursuivent l'élaboration du corpus des traditions shī‘ites formant plusieurs[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Henry CORBIN : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)
- Yann RICHARD : professeur à la l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Médias
Autres références
-
AFGHANISTAN
- Écrit par Daniel BALLAND , Gilles DORRONSORO , Encyclopædia Universalis , Mir Mohammad Sediq FARHANG , Pierre GENTELLE , Sayed Qassem RESHTIA , Olivier ROY et Francine TISSOT
- 37 316 mots
- 19 médias
...ouzbèkes Dostom. En revanche, ses relations avec Gulbuddin Hekmatyar, Pachtoun lui aussi, mais islamiste fondamentaliste, allié temporairement aux chiites d'Iran, soutenu par le Pakistan, furent toujours extrêmement tendues et lui auraient valu, si Massoud ne l'avait emporté, un sort moins enviable... -
ALAOUITES ou NUṢAYRĪS
- Écrit par Jaafar AL-KANGE
- 1 297 mots
La secte shī‘ite des Nuṣayrīs (An-Nuṣayriyya), qu'on appelle plus couramment Alaouites (Alawites), représente environ 11 p. 100 de la population syrienne. Elle est implantée principalement dans la région montagneuse du djebel Anṣariyya (anciennement as-Summāk), au nord de l'est côtier du pays....
-
ALGÉRIE
- Écrit par Charles-Robert AGERON , Encyclopædia Universalis , Sid-Ahmed SOUIAH , Benjamin STORA et Pierre VERMEREN
- 41 835 mots
- 25 médias
À cette date, en effet, d'autres hérétiques musulmans, les Chī‘ites, qui avaient réalisé de grands progrès chez les Qotāma de Petite Kabylie et chez certains Sanhaja sédentaires du Titteri, avaient réussi à fonder en Ifriqiya une nouvelle dynastie, celle des Fatimides. Celle-ci devait, par... -
‘ALĪ IBN ABĪ ṬĀLIB (600 env.-661)
- Écrit par Georges BOHAS
- 664 mots
Cousin de Muḥammad, et l'un des premiers convertis à l'islam. En 623 (ou 624), ‘Alī épouse Fāṭima, fille du Prophète et de sa première épouse, Khadīdja. À la mort du Prophète, en 632, il ne lui succède pas à la tête de la communauté : ce n'est qu'en 656 qu'il sera élu calife. La légende et...
- Afficher les 77 références