- 1. Les périodes
- 2. Le phénomène religieux shī‘ite en son essence
- 3. La théophanie et le plérome des Quatorze Immaculés
- 4. Les cycles de l'histoire sacrée et la parousie du XIIe Imām
- 5. Le shī‘isme iranien, des Safavides à la Constitution de 1906
- 6. Le clergé traditionnel et le modernisme inspiré par l'Occident
- 7. Khomeynī et la politisation du shī‘isme
- 8. Bibliographie
CHIISME ou SHĪ‘ISME
La théophanie et le plérome des Quatorze Immaculés
Le shī‘isme professe une théologie apophatique rigoureuse (la via negationis, le tanzīh) : la déité en soi est inconnaissable, insondable, ineffable, imprédicable..., c'est l'Absconditum, l'abîme de Silence auquel se sont référées toutes les gnoses. Cet Absconditum ne devient connaissable que par les figures qui en sont les théophanies et les manifestations. La théophanie primordiale constitue cette Réalité moḥammadienne métaphysique (Ḥaqīqat mohạmmadīya) dont le thème est l'équivalent, pour la pensée shī‘ite, des théologies du Logos dans le néo-platonisme et dans le christianisme. Philosophes et théosophes sont d'accord pour méditer en la Ḥaqīqat moḥammadiỵa une double « dimension » intelligible : du côté des créatures, dimension ad extra, qui est son côté exotérique, lequel correspond à la prophétie et à la personne du Prophète ordonnée à l'exotérique ; l'autre « dimension », du côté de la Présence divine, qui est son côté intérieur, ésotérique, correspondant à l'imāmat et à la walāyat. Le Logos moḥammadien englobe donc quatorze entités ou Éons de Lumière : ce sont, considérées à leur niveau métaphysique de personnes de Lumière (shakhṣ nūrāni), les personnes du Prophète, de Fāṭima sa fille et des Douze Imāms. Leur ensemble est désigné comme le plérome des « Quatorze Immaculés » (ceux qu'aucune faute ni souillure ne peuvent atteindre). Le Prophète en représente donc le ẓāhir ou exotérique ; le plérome des Douze Imāms en est le bāṭin ou ésotérique ; Fātịma est le confluent de ces deux Lumières, prophétie et imāmat, qui en leur leur essence sont une seule et même Lumière.
Les Douze Imāms sont les suivants : I. ‘Alī ibn Abī Ṭālib, émir des croyants (mort en 661) ; II. al-Ḥasan al-Mojtabā (669) ; III. al-Ḥosayn, le « prince des martyrs », par référence à la tragédie de Karbalā ; IV. ‘Alī Zaynol ‘Ābidīn (711) ; V. Moḥammad al-Bāqir (733) ; VI. Ja‘far al-Ṣādiq (765) ; VII. Mūsā al-Kāẓim (799) ; VIII. ‘Ạlī Reżā (818) ; IX. Moḥammad Jawād al-Taqī (835) ; X. ‘Alī al-Naqī (868) ; XI. Ḥasan al-Askarī (874) ; XII. Moḥammad al-Qā'im al-Mahdī al-Ḥojjat, l'Imām de la Résurrection. Ce sont ces figures qui polarisent la spéculation aussi bien que la dévotion shī‘ite (laquelle a largement développé l'usage et les textes des liturgies privées).
Beaucoup plus qu'en leur fugitive apparition historique, c'est en leur réalité pléromatique de lumière que ces figures sont contemplées. Écartons tout malentendu. La limitation du nombre des Imāms à douze résulte aussi bien des vertus arithmosophiques du nombre douze (vérifiées dans les structures de l'être, dans celle du zodiaque, celle du Temple de la Ka‘ba, etc.) que de plusieurs ḥadīth du Prophète proclamant expressément que ce nombre est limité à douze. On peut même dire que cette limitation entraîne eo ipso l'occultation présente du XIIe. Contrairement à ce que l'on entend dire parfois, la succession imāmique n'est point un privilège de la descendance charnelle ; celle-ci n'a jamais suffi à elle seule ; il y faut en outre la ‘iṣmat (la toute-pureté) et le naṣṣ (désignation expresse par l'Imām antérieur). Aussi bien la parenté terrestre des Imāms en ce monde n'est-elle que le symbole de leur parenté pléromatique ; et l'Imām Ja‘far déclarait : « Mon attachement spirituel (walāyat) pour le Ier Imām a plus d'importance que l'ascendance charnelle qui me rattache à lui. »
Par la double « dimension » de la Ḥaqīqat moḥammadīya, on voit comment se noue primordialement le lien entre ẓāhir et bāṭin. Par la fonction des figures théophaniques, on comprend[...]
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Écrit par
- Henry CORBIN : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)
- Yann RICHARD : professeur à la l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Médias
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