- 1. Les périodes
- 2. Le phénomène religieux shī‘ite en son essence
- 3. La théophanie et le plérome des Quatorze Immaculés
- 4. Les cycles de l'histoire sacrée et la parousie du XIIe Imām
- 5. Le shī‘isme iranien, des Safavides à la Constitution de 1906
- 6. Le clergé traditionnel et le modernisme inspiré par l'Occident
- 7. Khomeynī et la politisation du shī‘isme
- 8. Bibliographie
CHIISME ou SHĪ‘ISME
Les cycles de l'histoire sacrée et la parousie du XIIe Imām
Les deux « dimensions », exotérique et ésotérique, de la Ḥaqīqat moḥammadiya correspondent aux deux mouvements, descente (nozūl) et remontée (ṣo‘ūd), de la Lumière moḥammadienne (Nūr moḥammadī). La descente de cette Lumière en ce monde, c'est essentiellement la mission exotérique des prophètes aboutissant à la mission terminale et récapitulative de Moḥammad, le « Sceau des prophètes ». Le mouvement de remontée est essentiellement opéré par le ta'wīl, l'herméneutique des textes prophétiques dont le ministère incombe aux Imāms (le mot ta'wīl veut dire « reconduire quelque chose à son origine »). La Ḥaqīqat moḥammadīya est ainsi finalement la clef de la hiéro-histoire, assurant son axe d'orientation à la conscience religieuse fondée sur le « phénomène du Livre saint révélé ». C'est pourquoi un long ḥadīth explique qu'au cours de cette descente cette Lumière séjourna dans « douze Voiles de lumière » et qu'elle remonte à son origine à travers ces mêmes Voiles. Ces Voiles sont les Imāms de l'ésotérique, typifiés là même comme douze millénaires. La théologie shī‘ite se montre ainsi comme un cas exemplaire de ce que les historiens des religions ont appelé ailleurs « théologies de l' Aiōn » (Aiōn : âge total d'un monde). Les douze millénaires du zoroastrisme en sont un cas tout aussi remarquable et bien antérieur. C'est même l'un des points sur lesquels se révèle la continuité secrète de la conscience religieuse iranienne, de l'Iran mazdéen à l'Iran shī‘ite. Bien entendu, les douze millénaires ont un sens arithmosophique ; ils ne donnent pas une chronologie positive. La Lumière mohạmmadienne descendue en ce monde (par une épiphanie qui n'est jamais une incarnation) s'est transmise de prophète en prophète ; ensuite, elle effectue sa remontée, d'Imām en Imām. Avec l'idée de ce double cycle, l'orientation de la conscience shī‘ite apparaît comme essentiellement eschatologique.
Par là même, on entrevoit l'importance de la Figure qui couronne cet édifice de la hiéro-histoire, à savoir le XIIe Imām. Les deux mouvements de descente et de remontée de la Lumière moḥammadienne constituent respectivement le « cycle de la prophétie » et le « cycle de la walāyat », lequel est celui de l'initiation spirituelle des « Amis de Dieu ». Il y eut six grands prophètes annonciateurs d'une Loi (Adam, Noé, Abraham, Moïse, Jésus, Moḥammad) ; chacun d'eux eut successivement ses douze Imāms, le douzième assurant la transmission au prophète de la période suivante. Le XIIe Imām de la période moḥammadienne, « prophète du VIIe Jour », n'apportera pas, lors de sa parousie, une sharī‘at nouvelle, mais la révélation (le ta'wīl) du sens ésotérique de toutes les révélations. Aussi sera-t-il l'Imām de la Résurrection (Qā'im al-qiyāmat). Du sentiment eschatologique eschatologique commun au zoroastrisme et au shī‘isme jaillit l'idée d'une périodisation des « âges du monde ». On relèvera qu'une telle idée axée sur l'eschatologie fit éclosion en Occident, au xiie siècle, chez Joachim de Flore et ses disciples. À très grands traits, le « cycle de la nobowwat » correspondrait à l'idée joachimite du règne de l'Église de Pierre, tandis que le « cycle de la walāyat » correspondrait à l'idée joachimite de l'Église de Jean – et cela d'autant mieux que de part et d'autre l'idée de cycle ou de règne connote un sens existentiel plutôt que chronologique, puisque l'on peut être « objectivement contemporain » de l'un tout en appartenant intérieurement déjà à l'autre. Il importe, pour la phénoménologie de la conscience religieuse, que de telles[...]
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Écrit par
- Henry CORBIN : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)
- Yann RICHARD : professeur à la l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Médias
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