CHIKAMATSU MONZAEMON (1653-1724)
De tous les dramaturges japonais, Chikamatsu Monzaemon est sans conteste le plus grand. D'un banal spectacle de marionnettes qui illustrait de plats récits de style pseudo-épique, il fit un genre dramatique nouveau, le ningyō-jōruri ; parallèlement, il transformait le kabuki, spectacle de bateleurs assez vulgaire, en un théâtre digne de ce nom. Génial inventeur de la dramaturgie moderne de son pays, il mérita d'être surnommé le « Shakespeare du Japon », lorsque, à la fin du xixe siècle, ses compatriotes découvrirent les littératures d'Occident.
Les années de formation
De la vie de celui qui fut sans doute le plus important des écrivains japonais, l'on sait fort peu de choses de façon certaine. Un tableau généalogique retrouvé en 1925 permet d'affirmer aujourd'hui que le nom illustre de Chikamatsu est le pseudonyme de Sugimori Nobumori, descendant d'une vieille famille de bushi, de guerriers devenus rōnin à la fin des guerres civiles du xvie siècle, à la suite de la destruction du clan féodal dont ils étaient les vassaux. Le même document semble avoir mis fin à la controverse sur le lieu de sa naissance : il paraît établi qu'il vit le jour à Kyōto, la capitale impériale, métropole des arts et des lettres. Il y vécut en tout cas jusqu'à 1705, date à laquelle il s'installa à Ōsaka, la ville des riches marchands, où il avait trouvé des interprètes privilégiés et un public de choix.
S'il n'est pas prouvé qu'il ait fait ses études dans un monastère bouddhique comme l'avait fait supposer sa vaste culture religieuse, la tradition est vraisemblable selon laquelle il aurait été au service, avant sa vingtième année, du prince-moine Ekan, frère de l'empereur Go-Mizunoo, qui furent l'un et l'autre grands amateurs de marionnettes. Le futur Chikamatsu y gagna une profonde connaissance de la vie et du cérémonial de la Cour, des littératures chinoise et japonaise, sacrée et profane, mais aussi la familiarité des diseurs de jōruri, pour qui Ekan lui-même, dit-on, ne dédaignait pas de composer des textes qu'il eût été de mauvais ton de signer.
Pour les cinquante années qui suivirent la mort du prince (1672), la vie de Chikamatsu se confond avec une œuvre d'une prodigieuse fécondité, car il ne composait pas moins de quatre ou cinq drames par an. Bref, hormis quelques anecdotes invérifiables et la mention de ses relations avec ses principaux interprètes, sa biographie n'est guère plus qu'une nomenclature des pièces qui lui sont attribuées, de façon conjecturale pour les premières, avec une quasi-certitude après 1687, date à partir de laquelle les textes sont pour la plupart signés, contrairement à l'usage ancien.
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Écrit par
- René SIEFFERT : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales
Classification
Média
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