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CHIKAMATSU MONZAEMON (1653-1724)

Évolution d'un dramaturge

Selon les auteurs et selon les critères retenus, on attribue à Chikamatsu de cent à cent cinquante jōruri, drames pour marionnettes, ainsi qu'une trentaine de pièces de kabuki.

Pour mettre un peu d'ordre dans cette production monumentale, diverses méthodes d'analyse et de classement ont été proposées. Nous en retiendrons deux, qui nous permettront d'examiner l'ensemble de l'œuvre sans pour autant nous limiter à une fastidieuse énumération de titres : l'une, chronologique, permet de suivre l'auteur dans sa marche vers la perfection, car les chefs-d'œuvre datent à de rares exceptions près des deux dernières décennies de sa vie ; la seconde, par thèmes, permet de remonter aux sources de son inspiration.

Les spécialistes s'accordent généralement pour diviser en quatre grandes périodes les cinquante années, de 1673 à 1724, sur lesquelles s'étend l'activité de Chikamatsu. Une simple lecture des textes, dans l'ordre chronologique, confirme la légitimité de cette division.

La manière ko-jōruri

De 1673 à 1685, Chikamatsu se fait la main en composant, principalement pour le chanteur Kaga-no-jō, des récits de « style ancien », dans la manière dite ko-jōruri. Le dialogue, très sommaire au début, prend une place de plus en plus importante, et réduit progressivement la part du commentaire. La critique interne seule permet de distinguer ces récits des pièces de ses contemporains : une imagination échevelée, un romantisme exacerbé, mais aussi un style plus fluide, un sens dramatique très aigu, un humour qui rappelle les grands classiques du passé, voilà qui déjà laisse percer la marque du maître sous les maladresses du débutant. Quelques scènes d'amour traitées avec un réalisme qui n'exclut pas une certaine finesse dans la psychologie annoncent déjà les « drames de la vie privée » de la dernière période. Les personnages cependant restent schématiques, et conformes à la simplification épique des caractères.

Jōruri et kabuki

De 1686 à 1703, Chikamatsu écrit désormais pour deux interprètes dignes de lui : Takemoto Gidayū, le chanteur à la voix d'or, l'inventeur du « mode gidayū » qui bientôt supplantera les modes anciens, déclame à Ōsaka ses jōruri, tandis que Sakata Tōjūrō, qui jusqu'à sa mort en 1709 sera le grand favori des amateurs de théâtre de Kyōto, assure le succès de ses pièces de kabuki. Trente à quarante jōruri pour le premier, une dizaine de pièces destinées au second, tel est le fruit de cette collaboration. Le dialogue est vivant, les répliques incisives, les comportements traduisent des caractères de mieux en mieux dessinés, le récit linéaire cède le pas aux situations dramatiques ; l'intrigue certes se complique, mais cette complication même qui n'exclut pas l'unité interne de l'action se justifie par la longueur des représentations qui bientôt s'étendront sur une journée entière, de l'aube au coucher du soleil. Les thèmes de l'épopée, les sujets religieux ou classiques sont largement exploités, mais Chikamatsu quitte délibérément les sentiers battus en utilisant les ressorts comiques pour détendre l'atmosphère dramatique, autant que pour humaniser les personnages tout d'une pièce de la tradition.

Les marionnettes (1703-1714)

Pour la première fois en 1703, Chikamatsu rompt avec une tradition bien établie en portant sur la scène des marionnettes un fait divers tragique sous le titre de Sonezaki-shinjū (Double Suicide à Sonezaki). Le kabuki, dans des improvisations assez sommaires, avait déjà usé du procédé, mais le propos de Chikamatsu est tout autre que l'utilisation à des fins publicitaires de drames sordides qui défrayaient la chronique de la ville. À son public de petits bourgeois qui se complaisent aux aventures des princes et des héros[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Média

Scène de kabuki - crédits : Herve Bruhat/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Scène de kabuki

Autres références

  • JAPON (Arts et culture) - La littérature

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    Chikamatsu Monzaemon (1653-1724) avait d'abord composé quelques dizaines de « jōruri anciens » publiés anonymement. En 1686, Takemoto Gidayū, récitant qui avait renouvelé l'art de la déclamation et fondé un théâtre à Ōsaka en 1684, fit appel à lui ; ce fut le début d'une collaboration qui dura...
  • THÉÂTRES DU MONDE - Le théâtre japonais

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