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CHIKAMATSU MONZAEMON (1653-1724)

Sources et thèmes

À l'exception des vingt-quatre sewa-mono, sur des sujets contemporains, tout le théâtre de Chikamatsu appartient au genre jidai-mono ou « théâtre historique ». L'interdiction de porter sur la scène des événements postérieurs à l'avènement des Tokugawa (1603) obligeait le dramaturge à situer l'action en des temps anciens ; sous cette réserve, toute les époques sont représentées, depuis l'âge mythique des dieux ancestraux jusqu'au xvie siècle. Les sujets sont choisis dans la littérature classique, mais l'épopée et le répertoire du sont très largement mis à contribution.

Les thèmes épiques

Les thèmes épiques proviennent du Heike-monogatari (La Geste des Heike), version épique de la lutte des Minamoto et des Taira à la fin du xiie siècle, ainsi que de deux récits postépiques : le Gikei-ki, chronique passablement fantaisiste des exploits de Yoshitsune, le plus populaire des héros Minamoto, et le Soga-monogatari, version romancée de la vendetta des frères Soga. Mais dans la plupart des cas, les épisodes choisis sont ceux qu'avaient déjà utilisés les ou les livrets des Kōwakamai, transpositions chorégraphiques du xve siècle.

Neuf jōruri mettent en scène Yoshitsune et son fidèle Benkei, le colossal moine guerrier ; bien entendu, ce ne sont pas ses victoires qui intéressent le dramaturge et son public, mais les prouesses de son enfance, et plus encore la fin de sa vie, lorsqu'il doit fuir devant les sbires de son frères Yoritomo le shōgun, prévenu contre lui à la suite des calomnies du traître Kajiwara. Du héros épique, Chikamatsu retient la beauté virile et les malheurs, mais il en fait un jeune premier de son temps, aimé des femmes et plutôt léger, qu'il ne craint pas de montrer parfois dans des situations ridicules ; ainsi humanisé, le héros n'en apparaît que plus grand dans l'adversité.

Plus populaires encore, s'il se peut, que Yoshitsune, seront les Soga dont l'histoire est évoquée dans onze jōruri, dont trois de la seule année 1706. Chikamatsu conserve les dimensions épiques de la prouesse des deux frères qui s'introduisent une nuit dans le camp du redoutable Yoritomo pour y abattre, seuls, l'un de ses conseillers favoris, leur propre oncle, meurtrier de leur père ; mais là encore, en contant leurs amours avec deux courtisanes, il en fait des hommes ordinaires qui se dépassent, et non sans peine, dans leur exploit. D'une version à l'autre les caractères s'affirment, les comparses eux-mêmes, l'oncle félon, les deux « courtisanes fidèles » et surtout la mère des Soga, veuve cornélienne et mère de samurai, deviennent d'authentiques personnages de tragédie.

Des pièces de , Chikamatsu fait une adaptation très libre. Dans un , le héros est saisi au paroxysme de sa crise. Le dramaturge imagine ce qui a précédé et déterminé cette crise, crée de nouveaux personnages qui diversifient l'action, invente un dénouement spectaculaire, bref, transforme la poésie statique de l'original en un drame fertile en rebondissements. Sa version de la légende de Semimaru (1701) est la parfaite illustration du procédé.

La satire sociale

Il était interdit, disions-nous, de porter à la scène les événements politiques contemporains. Chikamatsu cependant tourna souvent cette interdiction, en introduisant des allusions au présent dans une histoire du passé : ces allusions prennent parfois l'allure d'une véritable satire, lorsque tel personnage par exemple fait l'éloge de la bêche et l'oppose au sabre stérile, ou que tel autre stigmatise la tyrannie ou les exactions des féodaux. Mais il lui arrive aussi de transporter dans les temps anciens, et sous une forme transparente, des événements récents. Tel est le cas pour l'aventure des quarante-sept vassaux fidèles du seigneur d'Akō qui avaient abattu[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Média

Scène de kabuki - crédits : Herve Bruhat/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Scène de kabuki

Autres références

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