CHIMIE La chimie aujourd'hui
Innovation
Nouvelles molécules
Chimie combinatoire
La chimie dite combinatoire date de 1963, lorsque Robert Bruce Merrifield (1921-2006), de l'université Rockefeller à New York, s'avisa de préparer des peptides sur des perles d'un polymère solide : un premier acide aminé y était fixé. Puis un second s'écoulait en solution sur le support solide, conduisant à la formation d'un dipeptide ; et ainsi de suite. La méthodologie resta, durant environ vingt-cinq ans, restreinte à cette unique application, la synthèse de chaînes polypeptidiques.
Le développement, donc retardé mais explosif, de la chimie combinatoire date des années 1980. Il s'agissait, pour les laboratoires de l'industrie pharmaceutique, aux tests biologiques extrêmement sensibles, de fabriquer, de façon si possible automatisée, de très grands nombres de molécules, des variantes de têtes de file à l'activité biologique avérée. Pour ce faire, les réactions chimiques doivent être à haut rendement et univoques, sans produits secondaires. De la sorte, on accède à des chimiothèques, constituées chacune de millions de molécules apparentées, toutes différentes, et préparées en toutes petites quantités. Comme un ouvrage dans une bibliothèque, chacune des espèces moléculaires est dotée d'une localisation spatiale permettant de l'identifier. Dès 1992, Thomas R. Webb découvrait ainsi un inhibiteur de la thrombine.
Les chimiothèques servent aussi en science des matériaux à trouver des solides minéraux aux propriétés électroniques, optiques ou magnétiques prometteuses. Par exemple, il est possible de déposer, à partir de la phase vapeur, des dizaines de milliers d'oxydes différents sur de petites pastilles de silicium de quelques centimètres de diamètre seulement.
L'une des voies d'avenir de cette chimie consiste à simuler une sélection darwinienne in vitro, et donc à organiser l'évolution moléculaire au sein d'une chimiothèque. Un exemple d'application est l'optimisation des surfaces métalliques de prothèses destinées à venir, dans le corps, au contact d'un grand nombre de protéines.
Il y a là une chimie résolument empirique et édisonienne, utile pour accélérer l'innovation de produits.
Chimie supramoléculaire
Charles John Pedersen (1904-1989), Donald James Cram (1919-2001) et Jean-Marie Lehn (né en 1939) sont les créateurs de la chimie supramoléculaire, ce qui leur valut le prix Nobel en 1987. L'un des germes en fut le modèle « clé-serrure », comme Emil Fischer (1852-1919) dénomma l'interaction spécifique d'un substrat et de sa poche réceptrice, au sein d'une enzyme. L'informatique fournit une autre source d'inspiration : chacune des composantes d'un ensemble supramoléculaire apporte une information, non seulement sauvegardée, mais susceptible de réplication ou de transfert. L'agencement, enfin : chaque molécule s'autoassemble avec ses partenaires, moyennant des congruences de forme (clé-serrure) et de potentiel électrique, via des liaisons non-covalentes, celles qui prévalent dans les systèmes biologiques.
Les réalisations en ce domaine vont vers un horizon illimité, tant il est vrai que les constructions artificielles des chimistes sont multiformes, au potentiel démesuré comparé à celui des substances naturelles. Les seules bornes sont celles de l'imagination. D'où une luxuriance de productions, proprement baroque : clivages en cascade à partir de polymères dendrimères ; autoassemblages en dominos ; formation de nanofibrilles ; chaînes unidimensionnelles, nappes bidimensionnelles, tours en colimaçon, etc. (fig. 2). Certains de ces édifices sont capables d'intéressantes fonctions, telles que reconnaissance et tri de molécules, nanorobotique, catalyse, support d'information, affichage, magnétisme moléculaire. Les plus beaux jours de la [...]
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Écrit par
- Pierre LASZLO : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)
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