PNEUMATIQUE CHIMIE
L'expression chimie pneumatique, loin de désigner une doctrine établie, se rapporte à une période de l'histoire de la chimie, qui prend place dans la seconde moitié du xviiie siècle. L'étude de divers gaz obligea de renoncer à l'ancienne doctrine, héritée de la scolastique, des quatre éléments, terre, air, eau et feu. La chimie pneumatique – celle des transformations chimiques au sein de mélanges de gaz – s'inscrit dans le contexte de la chimie prélavoisienne du xviiie siècle. Les trois aspects majeurs sont une pratique, focalisée sur des substances et des opérations visant à les transformer, et à obtenir de nouvelles substances ; une métathéorie – on parle alors de philosophie chimique – se préoccupant de la situation des principes chimiques dans un univers stable et ordonné ; et une théorie des transformations chimiques de la matière, visant à rendre compte des changements observés, ou à les prévoir. Ladite chimie pneumatique établit ainsi les prémisses de la révolution chimique à laquelle le nom de Lavoisier est lié.
Cette activité fut une expérimentation, assortie de discussions passionnées quant à l'interprétation des résultats. Elle mobilisa les chercheurs de différents pays, en Angleterre et en France en premier lieu. Une bonne part de cette activité intense se déroule à Paris. Dans les salons, les intellectuels assistent à des démonstrations, et discutent de l'interprétation à leur donner. Le Jardin du Roi (le futur Jardin des Plantes et Muséum national d'histoire naturelle) est le siège de la théorie chimique. L'Académie royale des sciences contribue à la discussion philosophique des résultats et à leur interprétation.
Durant la première moitié du xviiie siècle, l'air était encore tenu comme l'un des quatre éléments. Une invention technique, comme cela est fréquemment observé dans l'histoire des sciences, permit d'aller de l'avant et aboutit à une reconceptualisation. Le Britannique Stephen Hales (1677-1761) mit au point en 1727 un appareillage, d'utilisation on ne peut plus simple, permettant de recueillir des gaz au-dessus d'une cuve remplie d'eau. Cet outil permit d'identifier de nombreux gaz, tels que le gaz carbonique (Joseph Black, 1755), l'hydrogène (Henry Cavendish, 1766), l'azote (Daniel Rutherford, 1772), l'oxyde nitreux (Joseph Priestley, 1772) et, surtout, l'oxygène (Scheele, Priestley et Lavoisier, dans les années 1770).
Ces gaz différaient les uns des autres. On attribua ces différences à la diversité de leurs compositions et non, comme on le conceptualisait auparavant, à la présence d'impuretés dans l'élément air. Cela acheva de miner la doctrine aristotélicienne des quatre éléments. Une nouvelle doctrine vit alors le jour. Elle ne vint pas se substituer à l'ancienne, il faudra attendre pour cela que Lavoisier, dans son Traité élémentaire de chimie (1789), reconceptualise les éléments, et en fournisse une liste. La nouvelle doctrine a trait aux états de la matière. Le chauffage d'un échantillon matériel quelconque fait passer celui-ci de l'état solide à l'état liquide, puis de celui-ci à l'état gazeux. Le gaz n'est plus conçu comme un air altéré, mais comme un état de la matière.
Cette nouvelle chimie pneumatique s'intéressa, en particulier, au comportement des métaux chauffés à l'air. Priestley, Lavoisier et d'autres montrèrent que le soufre, le phosphore et les métaux augmentaient de poids à la suite de leur chauffage dans l'air. Guyton de Morveau (1737-1816) l'affirma dans un essai sur le phlogistique, dont Lavoisier prit connaissance en 1772. À cette lecture, Lavoisier eut l'intuition immédiate de ce qu'une fixation d'un gaz se faisait durant la calcination d'un métal, et qu'elle était à l'origine du gain[...]
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Écrit par
- Pierre LASZLO : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)
Classification
Autres références
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CHIMIE - Histoire
- Écrit par Élisabeth GORDON , Jacques GUILLERME et Raymond MAUREL
- 11 186 mots
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C'est à Black, si fort loué par Lavoisier, que revient la gloire de fonder positivement la chimie « pneumatique ». Grâce à lui, le caractère d'espèce chimique d'un gaz, l'« air fixe », notre anhydride carbonique, est défini sans ambages. Il démontre, dans sa dissertation de 1754, que les différences...