CHIMIOSYNTHÈSES
La chimiosynthèse est l'élaboration, par les êtres vivants, des constituants de leur protoplasme. Ils utilisent à cette fin des matériaux divers et se servent, pour en combiner les éléments, de l'énergie chimique. La chimiosynthèse s'oppose ainsi à la photosynthèse réalisée par les végétaux et par quelques bactéries à chlorophylles qui utilisent l'énergie de la lumière.
Prise dans son sens le plus large, la chimiosynthèse est une des propriétés communes à tous les organismes. Les animaux n'ont d'autre source d'énergie pour réaliser leurs synthèses que celle qu'ils peuvent tirer de l'oxydation de leurs aliments. Il en est de même pour les végétaux dépourvus de chlorophylle et pour les organes non chlorophylliens des plantes. Quant aux organes chlorophylliens eux-mêmes, ils peuvent aussi, en remaniant les composés qu'ils ont synthétisés initialement grâce à l'énergie lumineuse, réaliser des chimiosynthèses.
Mais la chimiosynthèse a aussi un sens plus restreint, initialement défini à la suite des travaux de Winogradsky, à la fin du xixe siècle, sur le mode de vie des bactéries autotrophes. Winogradsky a découvert que certaines bactéries sont capables d'assimiler le carbone du dioxyde de carbone tout en oxydant des composés minéraux : sulfures, sels d'ammonium par exemple. Il s'agit de bactéries incolores, les unes abondantes dans les eaux sulfureuses (sulfobactéries), les autres dans les sols (bactéries de la nitrification).
Ainsi, d'après la source d'énergie utilisée par les organismes et d'après l'origine du carbone qu'ils peuvent assimiler, on oppose les phototrophes (végétaux et bactéries pourvus de chlorophylles) aux chimiotrophes ; et, parmi ceux-ci, les chimiolithotrophes qui oxydent des substances minérales et utilisent le bioxyde de carbone comme aliment carboné (bactéries autotrophes, non pigmentées) aux chimio-organotrophes, qui requièrent une alimentation carbonée nécessairement organique (animaux, végétaux non chlorophylliens, bactéries hétérotrophes). Se rapprochent de ces derniers les organismes parasites intracellulaires et les virus qui tirent énergie et aliments de leur cellule hôte.
Comme les synthèses effectuées par les animaux et les autres organismes hétérotrophes sont exposées à propos de leur métabolisme, seules seront envisagées ici les chimiosynthèses des bactéries chimiolithotrophes, qui fournissent un bon exemple du couplage d'une réaction de synthèse, l'assimilation du gaz carbonique, avec une oxydation génératrice de l'énergie nécessaire.
Elles jouent un rôle important dans les cycles de l'azote et du soufre au sein de la biosphère.
Les bactéries chimiolithotrophes
Si elles assimilent toutes le carbone du bioxyde de carbone ou des carbonates, les bactéries chimiolithotrophes se distinguent les unes des autres par la nature des réactions d'oxydation énergétiquement couplées à la réduction de CO2.
Parmi les premières connues se trouvent les bactéries de la nitrification (Winogradsky, 1890). Ce sont des autotrophes complets, leur culture ne requiert aucun apport de substance organique, aucun facteur de croissance. Les Nitrosomonas qui oxydent les sels d'ammonium en nitrites et les Nitrobacter qui oxydent les nitrites en nitrates sont les agents de la nitrification dans les sols.
L'oxydation réalisée par les Nitrosomonas est beaucoup plus exergonique, c'est-à-dire qu'elle libère plus d'énergie, que l'oxydation réalisée par les Nitrobacter.
Les bactéries sulfuraires non chlorophylliennes, telles les Beggiatoa, qui sont des organismes filamenteux des eaux sulfureuses, étudiées par Winogradsky quelques années auparavant (1887), oxydent les sulfures en soufre et ce dernier en sulfates. D'autres bactéries, non filamenteuses, les Thiobacillus[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Alexis MOYSE : professeur honoraire à l'université de Paris-Sud, correspondant de l'Académie des sciences
Classification
Médias
Autres références
-
AUTOTROPHIE & HÉTÉROTROPHIE
- Écrit par Alexis MOYSE
- 2 503 mots
- 2 médias
...substances minérales : sulfures ou soufre des eaux sulfureuses, sels d'ammonium et nitrites des sols. Leur source d'énergie est chimique, on les dit chimiolithotrophes. La synthèse de leurs constituants protoplasmiques à l'aide du gaz carbonique et des sels minéraux sera unechimiosynthèse. -
FAUNE DES GRANDES PROFONDEURS - (repères chronologiques)
- Écrit par Lucien LAUBIER
- 1 157 mots
Février 1977 Campagne de géologie et de géochimie du submersible américain Alvin sur la ride des Galápagos : premières observations, par 2 500 mètres de profondeur, de la faune associée à l'hydrothermalisme.
Février-mars 1978 Campagne de géologie du submersible français ...
-
LITHOSPHÈRE OCÉANIQUE (MICROBIOLOGIE DE LA)
- Écrit par Bénédicte MÉNEZ
- 641 mots
- 1 média
Les premières photos des sources hydrothermales océaniques ramenées par le sous-marin Alvin en 1979 ont bousculé l'idée que la vie ne pouvait se développer qu'à la faveur de l'énergie lumineuse prodiguée par le Soleil. Ces oasis, où prolifère la vie, prouvent ainsi l'existence d'...
-
OCÉAN ET MERS (Vie marine) - Vie dans les grandes profondeurs
- Écrit par Lucien LAUBIER
- 3 869 mots
- 2 médias
...chimiolithotrophes oxydent ces molécules par voie enzymatique et utilisent l'énergie chimique ainsi libérée pour fixer le dioxyde de carbone (CO2) et synthétiser les premières molécules organiques. Du point de vue écologique, deux types de peuplements chimiosynthétiques doivent être distingués : les...