CHINOISE (CIVILISATION) La littérature
Les origines de la littérature chinoise sont à peu près contemporaines de deux autres littératures, celle de l'Inde et celle de l'Europe. Ici comme là, ces origines remontent à un ou deux millénaires avant l'ère chrétienne, et le nom de Confucius, vers l'an 500 avant J.-C., marque en Chine une première étape, une sorte de conscience critique qui suggère un rapprochement avec le Bouddha d'une part, avec Socrate de l'autre. S'il est vrai que toute caractérisation implique comparaison, c'est aux littératures de l'Inde et de l'Europe qu'on peut comparer la littérature chinoise pour essayer d'en dégager, soit par analogie, soit par contraste, quelques traits essentiels dont tout son développement apporte des illustrations. On s'en tiendra ici à l'Europe, dont l'histoire littéraire offre avec celle de la Chine des analogies et des différences également instructives.
Seuls avec l'Occident, dans l'ancien monde, les Chinois ont eu le sens de l'histoire et de la philologie, qui a toujours manqué à l'Inde et au reste de l'Asie ; et ces disciplines ont joué dans leur littérature un rôle plus considérable encore que dans les nôtres. Il y a vingt siècles que l'on pratique en Chine la critique des textes, dans des bibliothèques pareilles à celle d'Alexandrie, et que s'y est constituée une tradition historiographique d'où est sortie la documentation la plus suivie qui existe sur le passé d'aucune société humaine. Il est vrai que cette tradition s'est bureaucratisée et que, surtout à partir des Tang (618-907), l'histoire officielle est tombée entre les mains de fonctionnaires qui ont négligé la mise en œuvre vivante des documents utilisés, ou bien, s'ils essayaient de trier et d'interpréter ces documents, n'ont guère su s'élever au-dessus des préjugés de leur classe et de leur temps ; et ce n'est pas seulement l'histoire, c'est toute la littérature qui est restée en Chine plus impersonnelle qu'en Occident. D'autre part, le sens de la critique philologique a eu pour revers, en Chine, une floraison d'apocryphes et de falsifications littéraires comme on n'en trouve nulle part ailleurs. Si, très tôt, les Chinois s'exercèrent à faire l'histoire critique de leur littérature, la contrepartie en fut une singulière habileté à imiter les œuvres anciennes ; et beaucoup de faussaires s'attribuèrent ainsi soit des armes frelatées, mais efficaces dans les luttes et les controverses entre écoles, soit la gloriole d'avoir ressuscité de prétendus trésors de l'Antiquité.
L'Antiquité a toujours été en Chine entourée d'une vénération particulière. Toute eschatologie tendit à y être à rebours, c'est-à-dire que l'idéal futur y fut conçu comme un retour à l'âge d'or du passé. Aussi l'histoire de la littérature chinoise se présente-t-elle comme une suite de renaissances et de réformes, dont chacune prétendait restituer la pureté des sources. Le confucianisme prêchait le retour aux institutions des saints démiurges qui étaient censés avoir fondé la civilisation ; le taoïsme se piquait de remonter plus haut encore, jusqu'à l'état de nature qui avait précédé toute civilisation. Aussi le confucianisme a-t-il le culte du livre, par lequel se transmet la tradition civilisée ; et par là s'explique un trait propre à la Chine, et qui, lui aussi, la rapproche de nous : on y a toujours eu le goût du livre, de sa facture matérielle, le souci de sa conservation, le sens des bibliothèques et de la bibliophilie. Au contraire de l'Inde où l'élimination du bouddhisme a entraîné la disparition des écritures bouddhiques, la Chine a su conserver une grande partie des livres taoïstes quand, sous les Han (206[...]
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Écrit par
- Paul DEMIÉVILLE : membre de l'Institut, professeur honoraire au Collège de France
- Jean-Pierre DIÉNY : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
- Yves HERVOUET : professeur à l'université de Paris-VII, directeur de l'Institut des hautes études chinoises au Collège de France
- François JULLIEN : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VIII, Saint-Denis
- Angel PINO : professeur émérite des Universités, université Bordeaux Montaigne
- Isabelle RABUT : professeure émérite à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO)
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