Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CHINOISE (CIVILISATION) La médecine en Chine

Les pratiques chamaniques, religieuses et rituelles

Première figure, dans l'Antiquité chinoise, à s'être occupée des souffrances humaines, le chaman est longtemps resté un intermédiaire privilégié par la population, en dépit des campagnes politiques qui, à différentes périodes, visèrent à l'éradiquer. Le chaman Wu était, depuis l'époque des Shang, investi d'un pouvoir magique. Il entretenait des relations privilégiées avec certaines divinités influentes. A ce titre, il pouvait diminuer les effets néfastes de démons mineurs sur les humains. Pour s'assurer l'aide des puissances surnaturelles, il devait d'abord se conformer à certaines conduites. La danse joua un rôle important, le pas de Yu en particulier. On sait que Yu le Grand (Dayu), fondateur légendaire de la dynastie des Xia (env. 2205-env. 1766), s'était sacrifié pour son peuple afin d'arrêter une inondation. Le dieu ne le prit qu'à moitié et le laissa hémiplégique. Ce n'est qu'en dansant sur un pied qu'il parvint à pacifier la terre et les eaux. Le pas de Yu devint célèbre et doté d'un pouvoir magique. Par le pas de Yu, le chaman s'assurait donc une certaine connivence avec les puissances surnaturelles qui le guidaient dans sa lutte contre les démons pathogènes. Incantations, souvent accompagnées de cris, coups de gong et mouvements d'épée, faisaient partie de son arsenal pour éloigner les démons et soulager les hommes.

À la fin des Han, la montée en puissance du taoïsme et la mise en place d'une Église taoïste introduisit de nouveaux acteurs. En dépit d'une foi partagée avec les chamans en la maladie démoniaque, ceux-ci, concurrents, proposaient de nouvelles manières de soigner. En place de la confrérie anarchique et des pratiques bruyantes des chamans, les taoïstes mirent sur pied une véritable Église hiérarchisée composée de moines lettrés. En place des divinités de l'Antiquité mal définies, ils élaborèrent une bureaucratie céleste, dirigée au sommet par Yu Huang, l'empereur de Jade, et composée de nombreux ministères chargés, entre autres, de comptabiliser les bonnes et mauvaises actions des hommes. Si les taoïstes partageaient avec les chamans la croyance en l'origine démoniaque des maladies, ils expliquaient l'intrusion du démon par les fautes morales du malade ou par celles de l'un de ses ancêtres, même très éloigné. Une fois isolé dans une chambre de retraite conçue à cet effet, le malade devait confesser ses fautes au prêtre. Celui-ci les transcrivait sur un document qu'il établissait en général en trois exemplaires, adressés au ciel, à la terre et à l'eau ou qu'il adressait à celui des généraux et officiels célestes le plus à même d'agir. Se confesser et faire des offrandes au prêtre, qui, par la voie épistolaire, intercédait donc auprès d'une hiérarchie céleste, étaient les conditions nécessaires pour espérer guérir, même si – les sources en témoignent – la pharmacopée était également largement utilisée.

Punition divine envers un individu, la maladie pouvait parfois sanctionner une communauté entière. En effet, dans la religion populaire qui se développe activement alors et qui mêle, de plus en plus, taoïsme et bouddhisme, l'épidémie était comprise comme une punition collective, décidée par l'un des nombreux ministères composant la bureaucratie céleste, le ministère des épidémies Wenbu. Constitué d'un président, d'assistants et de fonctionnaires subalternes, ce ministère était tout particulièrement chargé de surveiller la communauté des vivants et de faire un compte rendu annuel de ses fautes et de ses bonnes actions. En fonction du bilan, l'empereur de Jade pouvait décider de châtier collectivement la société en envoyant des fonctionnaires chargés de répandre l'épidémie. Cette[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : chargée de recherche au CNRS, REHSEIS, Laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot

Classification

Médias

Médecin chinois, XIX<sup>e</sup> siècle - crédits : Spencer Arnold/ Hulton Archive/ Getty Images

Médecin chinois, XIXe siècle

Acupuncture - crédits : Fox Photos/ Hulton Archive/ Getty Images

Acupuncture

Autres références

  • ASTRONOMIE

    • Écrit par
    • 11 339 mots
    • 20 médias
    Quant aux Chinois, ils pratiquent l’astronomie depuis l’Antiquité. Ils s’intéressent alors surtout aux événements temporaires survenant dans le ciel et qui leur paraissent comme autant de présages : éclipses, apparition d’étoiles nouvelles, de comètes, etc. Ils consignent soigneusement...
  • CALENDRIERS

    • Écrit par
    • 9 907 mots
    • 4 médias
    Nos connaissances surl'astronomie et le calendrier chinois sont dues au travail monumental réalisé entre 1723 et 1759 par le jésuite français Antoine Gaubil. Pendant les trente-six années qu'il passe à Pékin, sa fonction de traducteur et d'interprète lui permet d'être en contact permanent avec la cour...
  • CHINE - Hommes et dynamiques territoriales

    • Écrit par
    • 9 801 mots
    • 5 médias
    ...comme l'extension d'un monde chinois qui trouve son foyer originel dans le bassin moyen du fleuve Jaune dès le IIe millénaire avant J.-C. Plus largement, la Chine se veut le foyer de civilisation de l'Asie orientale dans la mesure où elle était elle-même l'ensemble du monde, « tout ce qui était sous le...
  • CHINE : L'ÉNIGME DE L'HOMME DE BRONZE (exposition)

    • Écrit par
    • 934 mots

    L'expositionChine : l'énigme de l'homme de bronze. Archéologie du Sichuan (XIIe-IIIe s. av. J.-C.), un des sommets de l'année de la Chine en France, eut lieu du 14 octobre 2003 au 28 janvier 2004 à la salle Saint-Jean de l'Hôtel de Ville de Paris. Elle avait pour commissaires...

  • Afficher les 10 références