CHINOISE (CIVILISATION) La pensée chinoise
Les modalités et les correspondances
Le changement est donc le procès foncier de l'univers et de ce qui s'y déroule : c'est la loi du yin et du yang.
Yin et yang sont des indices dont se trouvent affectées les variations du qi. Yang connote une profusion, une dissipation énergétique, croissante ou décroissante, jamais constante. Une telle constance serait aussi peu réelle pour les Chinois que le sont pour nous un système isolé ou une transformation adiabatique.
Yin n'est pas le contraire ou le complément de yang. Il n'est pas le second terme d'une dialectique simplette, car yang implique (au sens étymologique de ce verbe) la concomitance de yin et non son opposition. Il y a entre eux, si l'on peut dire, compénétration. Ils sont inséparables ou impensables séparément. Yin est à yang ce qu'Audiberti désignait par « la noirceur secrète du lait ». Yin est le wu, la part obscure de yang. C'est si vrai que les médecins chinois, qui se considèrent comme des modérateurs des échanges entre l'interne humain et l'externe cosmique suivant yin-yang, disent n'agir et ne pouvoir agir qu'en facilitant la croissance et la décroissance énergétiques signées yang. Yin ni yang ne sauraient être absolus : « Ici yin, ici yang, voilà le dao. » Les premiers signes de l'aurore ou les dernières lueurs du crépuscule donnent assez sensiblement, entre le jour et la nuit, l'exemple de l'indissociabilité yin-yang. De même, et quoique sans nuance apparente, le soleil de midi en plein été ou la profondeur glacée de la nuit hivernale. La Chine applique à tout ces indices qui lui permettent de signifier des évolutions et des involutions relatives les unes aux autres, des cycles et des périodes, et de tenir tout état de fait pour un équilibre instable, rompu et outrepassé sans heurt sitôt atteint. S'il y a là une dialectique, c'est une dialectique qui va au-delà d'une dualité surmontée et perpétuée à l'infini ; c'est une dialectique réputée naturelle où l'homme, qui en est baigné, n'introduit rien, ni la négation, ni la matière, ni l'esprit.
Chaque séquence phénoménale discernable peut être repérée dans ses moments par yin et yang. De même les « dix mille choses » entre elles. Un schéma conventionnel figure qualitativement les alternances des culminations ou paroxysmes yang et des extrêmes affaiblissements yang. Ce double schéma se lit aussi bien pour yin. Il faut toutefois ne pas s'y tromper : yin n'étant pas le « moins » algébrique de yang, il n'y a pas concordance de deux cycles complémentaires. Il y a un cycle et un seul dans lequel le repérage se fait toujours par yang et par yin. La perfection géométrique du cercle ne doit pas non plus provoquer l'illusion d'une temporalité homogène, qui contiendrait les faits et se refermerait sur elle-même. C'est là une conception indienne, venue jusqu'aux Chinois par le bouddhisme, quasi négligée par le Chan, et tout à fait étrangère au taoïsme et au confucianisme comme à la tradition antique. Il n'y a de temps que le temps de l'événement. C'est un temps susceptible de se dilater et de se contracter selon yang et yin. Taiji, le faîte suprême, en est le nœud et la référence. D'où les cycles ou, plus exactement, la propagation du présent, que l'on pourrait figurer grossièrement par le modèle suivant, avec les réserves qu'appelle pareille représentation dont la seule valeur, non scientifique, est de fournir une équivalence imaginaire à ce qui constitue pour les Chinois une naturalité effective et vécue : pour une séquence phénoménale donnée, le point qui la représente en terme de yang-yin et de temps décrit une spire à pas et diamètre variables, en engendrant une surface comparable à celle d'un boyau, dont l'orientation varie,[...]
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Écrit par
- Claude GRÉGORY : fondateur d'Encyclopædia Universalis et directeur de la première édition
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