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CHLOROQUINE ET HYDROXYCHLOROQUINE

Les 4-aminoquinoléines comme agents antiviraux

Les virus utilisent pour se multiplier le métabolisme des cellules qu’ils infectent. Dans le cas le plus général, ils pénètrent dans la cellule en se fixant d’abord sur un récepteur membranaire. Le renouvellement normal de la membrane entraîne la formation de vésicules dans lesquelles le récepteur et le virus sont insérés. Ces vésicules, ou endosomes, migrent ensuite vers l’intérieur de la cellule. Le cycle viral débute par la libération du matériel génétique du virus grâce à des enzymes contenues dans des vésicules intracellulaires comme les lysosomes, avec lesquelles les endosomes ont fusionné. Les étapes de production puis de libération de particules infectieuses impliquent également des systèmes membranaires intracellulaires et des vésicules exocytaires. Le fait que la chloroquine et l’hydroxychloroquine perturbent les mouvements et les fonctions des vésicules et l’ensemble du trafic intracellulaire rend ces molécules potentiellement antivirales de manière non spécifique, par opposition à des molécules ayant un effet spécifique sur un virus ou un type de virus. Chloroquine et hydroxychloroquine ont donc été testées systématiquement depuis les années 1990 sur tous les virus, en particulier émergents, contre lesquels on ne dispose pas de vaccin : VIH (virus de l'immunodéficience humaine) dès 1990, virus grippaux, virus du chikungunya, virus de la dengue, virus de l’hépatite C, virus Zika, virus de la fièvre Ebola, etc. Dans tous les cas, ces deux molécules diminuent ou même bloquent la multiplication du virus en culture cellulaire (c’est-à-dire in vitro). En revanche, aucun effet significatif n’a été observé in vivo chez l’animal ou lors d’essais cliniques chez l’homme, avec la possible exception de la grippe aviaire.

Jair Bolsonaro préconisant l’usage de l’hydroxychloroquine contre la Covid-19, 2020 - crédits : Jair Bolsonaro in Facebook/ AFP

Jair Bolsonaro préconisant l’usage de l’hydroxychloroquine contre la Covid-19, 2020

Logiquement, ces deux molécules ont été testées aussi sur les coronavirus, comme le SARS-CoV-1 et le MERS-CoV. Ici encore, elles ne sont actives qu’in vitro. S’agissant du SARS-CoV-2, le virus responsable de la Covid-19, les deux molécules sont actives in vitro. Des rapports isolés suggèrent qu’elles diminuent la charge virale chez les patients, avec peut-être une légère incidence sur les temps d’hospitalisation des formes sans gravité particulière. En revanche, le recours à la chloroquine pour des cas graves ou pendant et après la seconde phase de la maladie marquée par une atteinte pulmonaire et systémique sérieuse n’est pas justifié selon les résultats de l’écrasante majorité des essais cliniques menés selon les règles admises des études épidémiologiques et cliniques. Avec les précautions qu’imposent les passions médiatiques et politiques soulevées par ce sujet, on peut conclure que l’usage thérapeutique de ces deux molécules n’est pas justifié pour traiter des malades atteints de Covid-19. De ce fait, les essais cliniques contre la Covid-19 impliquant la chloroquine et l’hydroxychloroquine, seules ou associées à des antibiotiques, ont été partout interrompus. En France, après une série de vicissitudes au cours desquelles des restrictions diverses à l’usage de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine contre la Covid-19 ont été décidées (comme la limitation de leur usage aux seuls cas graves), un arrêté du 10 juillet 2020 a rétabli la situation d’avant la pandémie : l’hydroxychloroquine peut de nouveau être prescrite d’une part pour ses indications habituelles (paludisme, lupus et polyarthrite rhumatoïde), et d’autre part hors autorisation de mise sur le marché et sous la responsabilité du médecin (pas d’automédication), sachant que son efficacité n’est pas démontrée sur la Covid-19 et que son usage expose le patient à des risques d’effets secondaires significatifs comme des troubles cardiaques. Fin juillet 2020, la Commission européenne n’a pas davantage retenu l’hydroxychloroquine comme médicament contre la Covid-19.[...]

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

Classification

Médias

Relation entre quinoléine et molécules antipaludéennes - crédits : Encyclopædia Universalis France

Relation entre quinoléine et molécules antipaludéennes

Jair Bolsonaro préconisant l’usage de l’hydroxychloroquine contre la Covid-19, 2020 - crédits : Jair Bolsonaro in Facebook/ AFP

Jair Bolsonaro préconisant l’usage de l’hydroxychloroquine contre la Covid-19, 2020