CHÔMAGE Le chômeur dans la société
L'accroissement du nombre des chômeurs depuis le milieu des années 1970 ne traduit pas seulement des modifications quantitatives. Un chômage élevé devient moins sélectif, les catégories sociales qu'il touche sont plus nombreuses et plus variées : on n'ignore plus le chômage des cadres ou des jeunes diplômés, même si la masse des chômeurs continue à être formée d'anciens ouvriers et employés, dont la qualification est faible. Les chômeurs constituent désormais un groupe dont l'hétérogénéité s'est accrue. On peut donc se demander si la perception du chômage et la condition de ceux qui en font l'expérience n'ont pas pris des formes nouvelles. Rien ne garantit a priori l'homologie du chômage de la grande crise ou même des années de plein-emploi des Trente Glorieuses et du chômage que connaissent aujourd'hui les sociétés industrialisées. Il suffit d'évoquer l'enrichissement général, l'accroissement de la qualification professionnelle, les interventions de l'État-providence et la maîtrise beaucoup mieux affirmée de la connaissance économique et sociale pour justifier l'interrogation nouvelle sur la condition du chômeur dans les sociétés du début du xxie siècle.
L'évolution récente de la notion de chômeur
L'interrogation est d'autant plus justifiée que la définition même du chômeur s'est modifiée. La catégorie statistique apparaît en 1896 pour la première fois en France. Dans les années 1930, la qualité de chômeur était réservée aux hommes adultes, ayant involontairement perdu un emploi de salarié dans une entreprise. Pendant longtemps, la notion de « chômeur » n'avait pas été séparée de celles de retraité, de malade, d'élève ou de pauvre. Le chômeur restait un assisté, il n'était pas indemnisé, mais secouru. Ce n'est pas un hasard si, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on propose régulièrement des inclusions ou des exclusions qui aboutissent à de nouvelles définitions du concept, si l'on définit successivement la population sans emploi à la recherche d'un emploi (P.S.E.R.E.) au sens du Bureau international du travail (B.I.T.), les demandeurs d'emploi en fin de mois (D.E.F.M.) au sens de l'Agence nationale pour l'emploi (A.N.P.E.), en données brutes, en données corrigées des variations saisonnières, etc. Les querelles sur ces définitions et, en conséquence, sur le nombre des chômeurs ne s'expliquent pas seulement par le désir de tout gouvernement de minimiser ce nombre et par celui de l'opposition de le gonfler. Elles sont liées au fait que la définition même du chômage est administrative, que le taux de chômage est un instrument de la vie sociale et non de la connaissance scientifique et, plus généralement, que la définition même du chômage est le reflet de la conception que la société se fait à un moment donné du travail, de l'emploi et du non-emploi.
Le même concept désigne aujourd'hui des populations qui connaissent la même situation administrative, mais dont la condition sociale reste très différente. Le taux de chômage des ouvriers (12,5 p. 100 en 2005) et des employés (10,3 p. 100) reste supérieur à celui des cadres (4,9 p. 100) et des professions intermédiaires (5,5 p. 100), en sorte que la population des chômeurs comprend toujours une majorité d'ouvriers et d'employés. Toutes les enquêtes révèlent l'extrême variété des situations vécues à l'occasion du chômage en fonction des caractéristiques objectives des individus (âge, sexe, situation familiale, activité professionnelle, niveau culturel) et de la trajectoire sociale qui a précédé l'entrée dans le chômage. Non seulement les conditions proprement économiques (parfois simplement désagréables, parfois tragiques) sont très différentes selon les catégories, mais l'épreuve que constitue le chômage prend des formes[...]
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Écrit par
- Dominique SCHNAPPER : directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
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