CHÔMAGE Sociologie du chômage
À partir de la fin des années 1970, le chômage s'est durablement installé dans la société française. Ce phénomène a directement contribué au développement d'enquêtes sociologiques destinées à comprendre les chômeurs : parcours biographiques, conditions de vie, activités quotidiennes, adaptations à la privation d'emploi, reconversions identitaires, relations avec les institutions en charge du chômage, etc. L'accumulation de ces enquêtes a d'abord permis de décrire les conséquences du chômage pour les personnes concernées et de définir les termes de cette nouvelle question sociale. Puis leur confrontation a mis en évidence les transformations permanentes des frontières du chômage : celui-ci ne se réduit pas à un solde entre emplois vacants et main-d'œuvre disponible, mais apparaît comme une convention sociale, une manière de regrouper certains phénomènes. Le travail normatif de délimitation de la population des chômeurs est alors devenu une question sociologique centrale.
Une notion floue et problématique
La mesure du nombre des chômeurs s'appuie sur trois critères : la privation d'emploi ; la disponibilité ou la capacité à travailler ; la recherche d'emploi ou la volonté de travailler. Conçus pour tracer une frontière précise entre chômeurs et non-chômeurs, ces critères sont intrinsèquement relatifs. Ainsi les contours de l'emploi sont de plus en plus ambigus, à mesure que progresse le travail à temps partiel contraint, que se multiplient les contrats de travail subventionnés par la puissance publique, que se développent les missions de courte durée, que se diversifient des formes atypiques d'emploi. De plus, la disponibilité ne peut être appréciée en toute rigueur qu'à la condition de proposer un emploi au chômeur. Enfin, la recherche d'emploi est, par définition, problématique : l'intensité de l'engagement dans cette activité peut être très variable, les démarches réalisées peuvent être très hétérogènes, la volonté de trouver un emploi est difficile à évaluer, le caractère effectif de cette activité n'est pas aisément mesurable.
Le chômage est donc une notion floue, même dans son sens statistique, ce qui explique pour une large part les estimations divergentes du nombre de chômeurs. Par conséquent, et les statisticiens s'accordent désormais sur ce constat, il n'existe pas de mesure exacte du chômage, mais une multiplicité de façons de le définir conventionnellement. Gravitent alors aux franges du chômage des personnes qui ne remplissent pas toutes les conditions pour être officiellement chômeurs. Elles sont considérées comme des chômeurs découragés quand elles ont été écœurées par la répétition des échecs dans la quête d'un emploi, comme travailleurs au noir quand elles sont accaparées par des stratégies de survie, comme des assistés sociaux quand elles vivent dans la dépendance de l'aide sociale, comme stagiaires indisponibles quand elles participent aux dispositifs de la politique publique de l'emploi, comme travailleurs pauvres quand elles ne peuvent vivre décemment malgré des petits boulots, comme proches de l'invalidité quand elles souffrent de problèmes de santé récurrents, etc. Elles forment ainsi autour du chômage un halo qui, au cours des dernières décennies, n'a cessé de s'élargir et de s'enrichir de situations nouvelles.
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Écrit par
- Didier DEMAZIÈRE : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur du laboratoire Printemps (C.N.R.S. et université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines)
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