CHORAL
Le mot « choral » est un de ces termes ambigus qui désignent des choses assez différentes et favorisent par là bien des malentendus. On le place en effet le plus souvent dans la nomenclature des formes. Or, en soi, le choral n'est pas une forme. C'est une sorte de matière première dont on a usé pour élaborer plusieurs formes différentes, et dont l'aspect traditionnel a déterminé un style.
À l'état brut, le choral est un cantique syllabique en langue vulgaire, d'un style particulier issu de la chanson allemande et adapté au xvie siècle à l'office luthérien : le psaume français huguenot en est souvent une adaptation. Puis, de la nécessité d'harmoniser ce cantique, l' orgue soutenant soit l'unisson soit un chœur chantant syllabiquement, est né un style d'accompagnement, note contre note, pourvu d'un abondant répertoire, qui a gardé le nom de choral. Après quoi, les organistes, devant exécuter préludes ou interludes entre les strophes sur la mélodie du cantique, ont rédigé certains de ces morceaux (d'autres restant improvisés), qui ont pris le nom de Choralvorspiele pour les préludes, ou de partita pour les variations strophiques (mais ce dernier terme a aussi d'autres acceptions) ; les uns et les autres, en abrégé, se sont aussi appelés chorals. Le répertoire de chorals ainsi formé ayant servi de base à des morceaux divers écrits dans des formes également diverses, ces morceaux à leur tour ont pris le nom de choral. Il en a été de même, plus tard, lorsqu'on a utilisé de la sorte non plus de vrais cantiques du répertoire, mais des éléments inventés s'inspirant de leur style. La pédagogie s'est mise de la partie : les thèmes de choral ayant servi jadis de « cantus firmus » à certains exercices de contrepoint, elle a conservé l'habitude d'appeler « choral » (ou « plain-chant » par référence à l'office catholique) toute ligne mélodique en valeurs longues fournie à l'élève comme base de ses exercices.
Le cantique et son histoire
Le Choralgesang, dont on a fait « choral » par abréviation, n'était d'abord que synonyme de gregorianischer Gesang, ou plain-chant à l'unisson. Lorsque Luther, voulant associer davantage le peuple au chant liturgique, entreprit de faire créer un répertoire de cantiques strophiques et syllabiques en langue allemande, il prit d'abord modèle sur le plain-chant qu'il adapta librement : c'est ainsi que le célèbre Ein feste Burg, dont il écrivit les paroles, fut composé vers 1530, par son collaborateur Johann Walther, d'après un fragment du Gloria de la Messe des anges. Puis, on composa de plus en plus librement sur le modèle. D'où la conservation du nom. Le répertoire ainsi constitué s'accrut avec une rapidité déconcertante : le recueil dit de Leipzig, sur lequel travailla J.-S. Bach, contenait déjà plus de 5 000 pièces, soit inspirées des modèles les plus divers (plain-chant, chanson française ou allemande, etc.), soit composées librement dans le style désormais bien fixé : mélodie très simple, syllabique, diatonique et peu modulante, mesurée irrégulièrement en longues et brèves, avec un arrêt ou une respiration à chaque fin de phrase. Au xviie siècle, la plupart des mélodies furent remaniées aussi bien mélodiquement (pour s'adapter au cadre tonal nouveau) que rythmiquement (suppression des longues et brèves, mesure uniforme, le plus souvent à quatre temps coupés de points d'orgue). Calvin, qui connut à Strasbourg le répertoire de ces cantiques, s'en inspira, à son tour, pour susciter un répertoire français sur des traductions de psaumes : le premier recueil parut, à Strasbourg même, en 1539 ; ainsi se forma le psautier huguenot, équivalent du choral allemand et base, aujourd'hui encore, du chant de l'Église[...]
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Écrit par
- Jacques CHAILLEY : ancien directeur de l'Institut de musicologie de l'université de Paris
Classification
Média
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