CHORÉGRAPHIE L'art d'écrire la danse
Notations modernes : décryptages du mouvement
L'évolution des styles de danse comme celle des acquis scientifiques dont la chronophotographie et la biomécanique incitent les chercheurs à poursuivre le décryptage analytique du mouvement sans référence à une école ou à un code définis. Répondant à ce besoin de disposer d'un procédé plus souple, apte à noter fidèlement toutes sortes de mouvements, quatre systèmes principaux sont élaborés au xxe siècle. Les deux premiers vont peu à peu connaître un rayonnement international. Confrontant le code de notation des pas de danse élaboré par Feuillet et la cinétique humaine, Rudolf von Laban publie en 1928 sa Kinetographie dont Albrecht Knust développe et perfectionne les principes, particulièrement à la Essen Folkwang Schule. Basée sur l'analyse scientifique du mouvement, la Kinétographie s'inscrit de bas en haut par signes géométriques colorés placés sur trois lignes verticales dont la médiane est le centre de gravité du corps. Elle se révèle claire et apte à transcrire fidèlement toutes sortes d'évolutions. Sélectionnée par Ann Hutchinson, fondatrice à New York du bureau d'étude des différentes notations, elle prend en 1952 le nom de Labanotation sous lequel elle est largement diffusée par de dynamiques praticiens aux États-Unis et en Europe. Toutefois elle doit rivaliser, particulièrement en Grande-Bretagne avec la Benesh notation, système moins riche mais d'une application plus souple déposé en 1955 par Rudolf et Joan Benesh, qui, de part et d'autre de la partition, sur diverses portées horizontales, inscrit les évolutions au moyen de pictogrammes, signes et lignes. Ne jouissant pas de la même faveur internationale, l'Écriture du mouvement de Pierre Conté, basée en 1931 sur la sémiotique de la notation musicale, et la Movement notation de Noa Eshkol, fondée sur des coordonnées axionométriques, sont également enseignées. Actuellement, les ressources de l'informatique ouvrent de nouvelles voies, qu'ont commencé à explorer des créateurs exploitant les vocabulaires classiques ou contemporains, comme William Forsythe et Merce Cunningham. Le cinéma, longtemps interdit à l'Opéra de Paris, puis la vidéo permettent également de conserver la trace d'une danse ou d'un ballet. Désormais, suivant l'exemple de Léonide Massine, certains chorégraphes tels Maurice Béjart, Roland Petit, John Neumeier ou Jiří Kylián enregistrent parfois sur film ou vidéo leurs créations, et les principales compagnies internationales archivent ainsi régulièrement leur répertoire.
Conjuguant temps et espace, dépendant des interprètes qui lui prêtent chair et personnalité, l'art de la danse a toujours une existence fragile. Ainsi ont disparu les chefs-d'œuvre du passé de Jean-Georges Noverre ou Jules Perrot ; ceux d'August Bournonville, Michel Fokine, Serge Lifar, partiellement de Marius Petipa et George Balanchine n'ont survécu que grâce à l'enseignement, à la tradition orale sujette à altérations. Si celle-ci joue un rôle irremplaçable pour la transmission du style, des accents, elle ne suffit pas à transcrire intégralement la chorégraphie. Le chorégraphe, qui ne pouvait faire reconnaître ses droits d'auteur qu'à titre de librettiste, défend maintenant du plagiat l'autonomie de son œuvre en déposant film, vidéo ou notation. Alors qu'il élabore l'œuvre sur le vif avec ses interprètes, un notateur habilité doit en fixer par écrit le détail, un opérateur l'enregistrer en studio et sur scène. Gage de l'intérêt constant porté à cet art vulnérable comme le danseur qui l'incarne un instant, un faisceau de moyens tente donc, selon le souhait des praticiens, théoriciens et historiens, d'en préserver la lettre sinon toujours l'esprit, et de remédier à la problématique si complexe de sa mémoire.[...]
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Écrit par
- Marie-Françoise CHRISTOUT : docteur d'État ès lettres, conservateur honoraire à la Bibliothèque nationale de France, écrivain et critique
Classification
Média
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