CHORÉGRAPHIE L'art de créer les gestes
La chorégraphie, dans son sens le plus communément admis aujourd'hui, soit une création dansée sur une scène, est une conception complexe qui fait appel à de multiples talents. En effet, elle demande de la part de son auteur la capacité d'imaginer la totalité d'une dramaturgie en mouvement, d'inventer une gestuelle qui corresponde au sujet de la pièce ou, dans le cas d'une œuvre dite « abstraite » qu'elle ait suffisamment de cohérence interne pour maintenir l'intérêt du spectateur, régler les entrées et les sorties des solistes et des ensembles afin d'obtenir une scénographie fluide et suffisamment surprenante. En ce sens, une chorégraphie doit maîtriser le temps, au même titre qu'une œuvre musicale, l'espace et le sens, au même titre qu'un opéra ou qu'une œuvre théâtrale, mais sans aucun support préalable écrit (comme c'est le cas de la partition pour la musique, ou du texte pour le théâtre). Cependant, avant d'en arriver à ce stade de complexité, la notion de chorégraphie a évolué au cours de son histoire.
Les origines de la chorégraphie
L'idée même de chorégraphie naît avec la danse savante, c'est-à-dire celle dont on doit connaître les pas pour la pratiquer, qui est apparue à la fin du xve siècle dans les cours italiennes, puis importée en France par Catherine de Médicis, où elle prend le nom de danse de cour ou « belle dance française ». Cette ancêtre de la danse classique peut, à ce titre, être considérée comme l'origine de notre système chorégraphique occidental. À l'époque, la chorégraphie ne constitue qu'une partie de ces « drames dansés » que sont les ballets, qui peuvent être alors considérés comme l'équivalent de nos modernes comédies musicales et qui font intervenir sur un récit parlé, musique, chant et danse, machines théâtrales, décors somptueux et même feux d'artifice. Les organisateurs de ces moments dansés – ceux que l'on appellerait chorégraphes aujourd'hui – se nomment « compositeurs de ballets ». Ce terme est doublement justifié. D'une part, ils utilisent comme matériau de base de leurs « chorégraphies » non des pas de leur invention mais des danses populaires : l'allemande, la gavotte, la pavane, la sarabande, la bourrée... D'autre part, des « passages » où les danseurs – qui ne sont pas des professionnels mais des nobles ayant appris à danser –, souvent rangés en cortège, dessinent des figures à caractère géométrique à partir de pas inspirés de la marche mais réglés sur des rythmes particuliers.
Néanmoins, à la fin du xvie siècle, des théoriciens du ballet, pour la plupart italiens, commencent à définir des « pas », qui deviendront peu à peu la matière première des chorégraphies à venir et que l'on appellera, métaphoriquement, le « vocabulaire » chorégraphique.
L'arrivée au pouvoir de Louis XIV, « roi danseur », fait très vite évoluer l'idée de la danse qui va peu à peu être conçue comme une inventivité gestuelle habilement composée, ce qui est la définition même de la chorégraphie telle qu'elle est encore envisagée de nos jours. En 1661, Louis XIV crée l'Académie royale de danse. Les premiers danseurs professionnels entrent en scène. Le Conservatoire de danse, créé par le roi en 1713 et qui deviendra l'École de danse de l'Opéra de Paris, est destiné à former de bons danseurs, ce qui va renforcer la professionnalisation. Le système des pas, donc la technique pure, se complexifie et aboutit à une codification à l'origine de la danse classique qui deviendra le matériau premier de toute chorégraphie.
Il ne s'agira plus seulement d'ordonner des danses connues. La chorégraphie travaillera les innovations techniques des pas, en inventera d'autres, tout en gardant les[...]
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Écrit par
- Agnès IZRINE : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse
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