CHOUANNERIE
Entre 1794 et 1800, le mot chouannerie désigne une série d'insurrections et de mouvements contre-révolutionnaires qui affectent l'ouest de la France. L'origine de ces chouanneries – on peut en parler au pluriel – est le mécontentement des ruraux devant les mesures politiques et religieuses de la Révolution française prises après 1791. Des communautés rurales refusent, dès 1791-1792, la création de l'Église constitutionnelle et la vente des biens de l'Église, et se montrent jalouses de leur indépendance vis-à-vis des administrateurs des districts et des départements. Ce mouvement débouche en Bretagne sur de véritables insurrections locales, dans le Finistère, dans le Morbihan, en Loire-Inférieure, entraînant parfois morts d'hommes. Il rejoint, sans préméditation, le courant ouvertement contre-révolutionnaire animé essentiellement par le chevalier de La Rouérie, qui a organisé les nobles de tout l'Ouest et qui a été responsable des incidents graves qui se sont produits en août 1792, avec la participation de groupes de ruraux. C'est notamment le cas à Saint-Ouen-des-Toits, en Mayenne, où se distingue alors la petite bande armée d'un contrebandier, un temps poursuivi par la justice royale et passé depuis la Révolution dans l'opposition antirévolutionnaire. Ce contrebandier, Jean Cottereau, surnommé Jean Chouan, sans doute parce qu'il utilise le cri du chat-huant comme signe de ralliement de sa bande, va donner son surnom à l'ensemble des insurrections.
Du mécontentement à la Contre-Révolution
Celles-ci éclatent vraiment en février-mars 1793, en réponse à la levée des 300 000 hommes décidée par la Convention, à l'image et en même temps que les révoltes qui débouchent dans la « guerre de Vendée » ; mais le succès au nord de la Loire est éphémère et les troupes républicaines reprennent rapidement le contrôle de toute la région, écrasant les émeutiers dans le Léon et sur la rive droite de la Loire – alors que la rive gauche échappe à la République. La présence de fortes garnisons et l'efficacité des généraux républicains ont eu raison de l'absence de coordination entre les insurrections comme de la médiocrité de leur armement. Cependant, les causes du mécontentement n'ont pas disparu. Une petite partie des ruraux vaincus s'engage dans les armées vendéennes, comme Cadoudal. La plus grande partie attend le passage des Vendéens au nord de la Loire, au cours de la Virée de Galerne (oct.-déc. 1793), pour se joindre à eux et se soulever à nouveau. Les forêts entre Maine et Bretagne servent ainsi de foyers de résistance et de bases de repli. C'est alors que le mot « chouannerie » commence à être utilisé comme terme générique.
On peut distinguer trois phases successives qui expliquent l'évolution du mouvement. Entre la fin de 1793 et 1795, les bandes chouannes, de médiocre envergure, quadrillent les campagnes, opèrent des coups de mains contre les administrateurs locaux et les partisans de la Révolution, entravent la circulation des troupes, notamment en attaquant les convois de grains ou d'armes. Il s'agit d'une guerre menée à la course, les chouans accrochant de petits groupes de républicains et décrochant systématiquement pour éviter des affrontements. L'agilité est essentielle, en même temps que la dissimulation. Nombre de jeunes chouans apparaissent dans la journée comme de paisibles paysans. Seule une petite partie des effectifs, dont les chefs, vivent dans la clandestinité, cachés dans les forêts, voire dans des souterrains. Chaque petite région est ainsi soumise à l'autorité d'un chef local, en rivalité plus ou moins grande avec ses voisins ; le tout compose une véritable carte en peau de léopard, zones chouannées et zones « patriotes » voisinant dans des rapports complexes et antagonistes. Sommairement, il est possible de dire que, en Bretagne,[...]
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Écrit par
- Jean-Clément MARTIN : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média
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