BOLTANSKI CHRISTIAN (1944-2021)
Né le 6 septembre 1944, à Paris, Christian Boltanski s’est d’abord considèré comme un peintre. Mais un peintre qui a très vite choisi d'associer à son travail différents modes de production dont la vidéo, le cinéma, la photographie, la fabrication d'objets, ou encore l'installation. Véritable « montreur de marionnettes », il offre à son « regardeur » un ensemble de propositions visuelles sur la quête et la perte de l'identité, le passage du temps, la vie et la mort, ainsi que sur les aléas de la mémoire, jusqu'à évoquer les pires moments de notre histoire.
Un art de l’archive
La première apparition de Boltanski dans le monde de l'art parisien a lieu, en 1968, au théâtre du Ranelagh. Il présente des marionnettes et un film : La Vie impossible de Christian Boltanski. Ainsi se met en place l'un des thèmes majeurs de l'œuvre, la quête de l'identité, qu'elle soit authentique ou truquée, et qui fonctionne sur l'ambivalence entre vérité et mensonge. La Vie impossible de Christian Boltanski sera également le titre d'un ensemble de vitrines, où sont rassemblés nombre de documents, censés évoquer sa vie (2001, Musée national d'art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris). Quatre ans plus tard, c’est sous le titre de Dix portraits photographiques de Christian Boltanski 1946-1964 qu’il rassemble dans un livre d’artiste des photos d’enfants inconnus. Et plus tard, avec 6 Septembre, c'est à partir de sa date de naissance que l'artiste choisit de traiter les actualités cinématographiques et télévisées de 1944 à 2004. Le film, aux événements non hiérarchisés, projeté à un rythme accéléré sur trois écrans, laisse au spectateur la possibilité d'arrêter l'image et donc le temps en agissant sur un prompteur. Par là, il l’interroge insidieusement sur la façon dont il a vécu lui-même tel ou tel événement.
« Être artiste, dit Christian Boltanski, c'est être le miroir des autres. » Ainsi vont naître, dans les années 1970, Inventaire, ces installations d'objets ayant appartenu à telle ou telle personne décédée, et adaptées à chacun des musées européens où la manifestation est présentée. À Paris, avec des Objets ayant appartenu à une femme de Bois-Colombes (1974), Boltanski se fait ethnologue et, comme toujours, questionne le spectateur. Est-il vraiment possible, malgré les apparences trompeuses, de reconstituer les joies et les tourments d'une vie à partir des restes d'un univers qui finalement s'avèrent dérisoires ? Par ailleurs, en adoptant le principe de l'installation, l'artiste dérange au vu de la pratique muséale établie. Par la suite, lorsqu'il évoquera le musée, il pensera plutôt à un lieu de spectacle et en viendra à montrer ses œuvres dans des endroits insolites (entrepôts, gares, châteaux, églises). En 2003, allant jusqu'au bout de sa démarche, en provocateur conscient, dans ce lieu sacro-saint de la monstration artistique qu'est la biennale de Venise, sa participation consistera à produire des hurlements de chiens (Entendre les chiens).
Boltanski est un archiviste obsessionnel, qui a su exploiter comme personne les photographies qu'il n'a cessé d'amasser. Celles des Membres du Club Mickey (1972, Ydessa Hendeles Art Fondation, Toronto) et les Portraits des élèves du C.E.S. de Lentillères à Dijon (1973, toujours sur place dans le couloir du collège) sont installés bord à bord, tels des ex-voto. Boltanski, qui reprend volontiers ses sujets pour les mettre en espace autrement, fait de ces visages d'enfants, que la photographie a figé pour toujours à un moment de leur vie, le thème de plusieurs installations, dont certaines spectaculaires. Avec Les Enfants de Dijon (1985, Musée de Grenoble), il les dresse sur des autels telles des reliques, qui incitent au recueillement,[...]
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Écrit par
- Maïten BOUISSET : critique d'art
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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