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BOLTANSKI CHRISTIAN (1944-2021)

Entre la vie et la mort

Si Boltanski use, en maître absolu, des possibilités offertes par la photographie, il revendique aussi son identité de peintre, et intitule une série de tableaux Compositions. « Les noms que je donne à mes compositions, explique Boltanski, sont à la fois pompeux et dérisoires [...] elles sont l'image du symbolique, du mystère telle que les enfants dans leurs jeux peuvent les construire. » Elles auront pour titre Composition divertissante, Composition enchantée, Compositions héroïque, ou encore Composition musicale (1983, Kunsthaus, Zurich). L'artiste met en image sur fond noir ou bleu, sans la moindre perspective, des pantins bricolés et agrandis au point de remplir le cadre, ou encore des petits jouets. Les Leçons de ténèbres, qui apparaissent en 1985, appartiennent à un tout autre registre. Le Boltanski des Saynètes comiques de 1974 s'efface et le ton se fait plus grave. Avec les Théâtres d'ombres (1984-1997), on entre dans le domaine du magique et du merveilleux, mais aussi dans un spectacle où la vie et la mort se côtoient. S'il continue par la suite à fabriquer des petits pantins, Boltanski les met en scène dans des environnements qui peuvent être grandioses ou minuscules, mais où les jeux d'ombre et de lumière, ainsi que de très légers tremblements dus à des ventilateurs, leur donnent des allures fantomatiques, dont le caractère enchanteur se conjugue avec une certaine dramaturgie.

Au milieu des années 1980, Boltanski affronte son propre héritage juif et la Shoah (auquel son père put échapper), même s'il n'y fait jamais référence nommément. À la biennale de Cassel de 1987, il installe dans une petite pièce trois cellules et accroche 350 photographies en noir et blanc, éclairées par des lampes de bureau. Le titre de la pièce est Archives. L'artiste n'en dira pas plus ; comme toujours Boltanski se met en retrait, mais il est impossible de ne pas affronter ce qui est ici suggéré : un registre de déportés. En 1987, il entame la série des Autels Chases : les photographies des enfants du lycée juif de Vienne sont installées sur des piles de boîtes de biscuits, qui fonctionnent comme autant de petits cercueils. À partir de 1988, Boltanski ajoute à son vocabulaire formel des vêtements d'enfant usagés aux couleurs bariolées. À Toronto, ils sont accrochés au mur, à Bâle répartis sur le sol, et à Paris (La Réserve du musée des enfants, musée d'Art moderne de la Ville de Paris) rangés sur des étagères. Boltanski, là encore, se contente de montrer. Reste le titre de la première manifestation : Canada – terme utilisé à Auschwitz pour désigner les entrepôts où étaient stockés les effets personnels des déportés. Reste aussi, pour le « regardeur », la puissance de la charge émotionnelle qui se dégage de telles œuvres.

Boltanski entreprend en 2005 les Archives du cœur, ces enregistrements de battements de dizaines de milliers de cœurs à travers le monde, qui sont conservés dans l’île japonaise de Teshima.

En 2010, il est l'invité de Monumenta au Grand Palais (Paris), où il expose son œuvre Personnes,et au MAC/Val (Vitry-sur-Seine), où il présente Après, des installations qui évoquent la condition humaine et la mort. La même année, à la suite d’un contrat passé avec l’artiste, le collectionneur australien David Walsh commence à filmer en continu l’atelier de Boltanski. En 2019-2020, l’exposition Faire son temps, au centre Georges-Pompidou, à Paris, permet de mettre en regard les deux faces de l’œuvre : le temps des archivages-inventaires et celui des installations.

« Je me dis peintre, affirme Christian Boltanski. Je veux me situer dans la continuité de l'histoire de l'art... » Une histoire de l'art, où sa place serait, comme l'évoquait Dominique Bozo en 1984, celle d'un « peintre d'histoire », avec pour leitmotiv la mémoire, individuelle[...]

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Écrit par

  • : critique d'art
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Classification

Média

Christian Boltanski - crédits : Susanne Schleyer/ AKG-images

Christian Boltanski

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