CABROL CHRISTIAN (1925-2017)
Article modifié le
Christian Cabrol, né le 16 septembre 1925 à Chézy-sur-Marne (Aisne), décédé le 16 juin 2017 à Paris, est connu d’un large public pour être le premier en France à avoir tenté et réussi une greffe du cœur, le 27 avril 1968, sur un malade de soixante-six ans.
Ne retenir que cette « première » en France (la sixième dans le monde) serait méconnaître la place pivot de Cabrol dans la construction de la chirurgie cardiaque française. La transplantation du cœur réalisée par son équipe à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière eut lieu quelques mois après celle réalisée au Cap (Afrique du Sud) par Christiaan Barnard le 3 décembre 1967. L’une comme l’autre de ces opérations connaissent un immense succès médiatique et soulèvent de nombreux espoirs. Ainsi, plus de cent transplantations cardiaques sont réalisées dans le monde l’année suivante. Mais la durée de vie des opérés est faible, moins de dix-huit mois en général. Peu d’équipes persistent dans cette pratique sauf celles de Christiaan Barnard, Norman Shumway et Christian Cabrol. C’est que la réussite d’une greffe d’organe exige une diminution forte des défenses immunitaires des receveurs pour éviter les rejets, alors que les moyens pour obtenir l’immunosuppression sont relativement médiocres. La survie des opérés s’améliorera fortement après l’introduction de puissants agents immunosuppresseurs comme la ciclosporine en 1980.
La greffe d’un « organe noble » comme le cœur – dans l’idée que l’on pourrait désormais échanger un organe usé comme on échange une pièce mécanique endommagée contre une autre d’occasion en bon état – est désormais largement admise et pratiquée. La transplantation cardiaque s’inscrit ainsi dans le cadre plus vaste de la mise en place d’une chirurgie de remplacement, après la transplantation du rein (1954), de la moelle (1957) et du foie (1968 ; ces dates correspondant aux premières survies considérées comme longues pour l’époque).
Fils d’agriculteur, Christian Cabrol dit lui-même qu’il doit à son grand-père, médecin de campagne, de s’être orienté vers la médecine et plus particulièrement vers la chirurgie. Après des études secondaires à Château-Thierry, il étudie à la faculté de médecine de Paris en 1944. Interne des hôpitaux en 1949, il entre à la Salpêtrière en 1951 dans le cercle de Gaston Cordier, grand chirurgien dont le nom reste attaché à l’un des bâtiments de l’hôpital de la Pitié à Paris. Mais l’événement décisif de la formation professionnelle de Cabrol est son passage, en 1956, en compagnie de son épouse Annick Cabrol – anesthésiste-réanimatrice qui sera associée à la première greffe de cœur –, au sein du service de Walton Lillehei à Minneapolis (Minnesota), aux États-Unis. Ce service est pionnier dans tous les aspects de la chirurgie cardiaque et l’ambition y est de réaliser des interventions lourdes sur un cœur arrêté pendant assez longtemps pour qu'elles soient réalisables. Cabrol va y côtoyer des chirurgiens qui deviendront aussi pionniers – Christiaan Barnard, Norman Shumway, Adrian Kantrowitz et Richard Lower – en pratiquant, à quelques mois d’intervalle, les premières greffes de cœur. La clé du succès en chirurgie cardiaque, dont la greffe de cœur n’est qu’un aspect, a été la mise au point dans les années 1950 de la circulation extracorporelle, qui permet de dériver le sang hors du cœur, l’oxygéner au travers des membranes puis le réinjecter dans une circulation générale où le cœur est en quelque sorte court-circuité et peut dès lors être mis à l’arrêt. Cela permet des interventions longues dans de bonnes conditions opératoires. Le service de Lillehei est donc un foyer de formation en chirurgie cardiaque, une véritable pépinière de chirurgiens cardiovasculaires. Cabrol se familiarise avec cet ensemble de techniques et de pratiques.
De retour à Paris, il est chirurgien des hôpitaux en 1960. Il fonde le service de chirurgie cardiaque de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière en 1972 et le dirige jusqu’à ce qu’il en transmette la responsabilité à son élève et collègue Iradj Gandjbakhch. Les deux mille greffes de cœur (chiffre atteint en 2012) réalisées dans ce seul service hospitalier s’inscrivent dans la lignée des diverses interventions pionnières sur le cœur et le système vasculaire mises au point dans son service. La première greffe cœur-poumons, en 1983, puis celle d’un premier cœur artificiel, en 1986, se situent dans la suite logique de ce travail continu d’usage de la chirurgie pour traiter les pathologies cardiovasculaires. Pendant ce temps et jusqu’en 1990, Christian Cabrol est aussi professeur d’anatomie et de chirurgie cardiovasculaire à l’université Pierre-et-Marie-Curie, dont l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière fait partie.
À partir de 1990, il dirige pendant quelques années plusieurs associations médicales, dont l’Association pour le développement des innovations en cardiologie, recherche et enseignement (ADICARE) et France-Transplant, qui coordonne les dons d’organes en vue d'une transplantation. Il devient membre de l’Académie de médecine en 1998. Après s’être éloigné de la pratique chirurgicale, Cabrol entre dans la vie politique à la suggestion de Jacques Chirac. Adhérent au Rassemblement pour la République (RPR) puis à l’Union pour un mouvement populaire (UMP), il est conseiller de Paris de 1989 à 2007 pour le 13e arrondissement puis le 17e, et maire adjoint de Jean Tiberi pour les affaires sanitaires. Il échoue à la députation dans l’Aisne en 1993, mais est député européen de 1994 à 1999. Enfin, il est également l'auteur de nombreux ouvrages, non seulement scientifiques (il signe et cosigne plus de trois cent cinquante publications médicales indexées sur PubMed), mais aussi destinés à l’information du public en matière de santé.
Accédez à l'intégralité de nos articles
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
Classification
Média
Autres références
-
CARDIOLOGIE
- Écrit par Philippe BEAUFILS et Robert SLAMA
- 4 128 mots
- 2 médias
...voir le miracle. Celui-ci ne dura pas car le patient de Barnard ne survécut que trois semaines. Pourtant, de 1968 à 1972, d'innombrables chirurgiens dont Christian Cabrol à Paris se lancèrent dans l'aventure, avec quelques succès retentissants – comme celui de Henry, à Marseille, dont le patient survécut...
Voir aussi