GRABBE CHRISTIAN DIETRICH (1801-1836)
Mort à trente-cinq ans, le dramaturge allemand Grabbe est le type même du génie théâtral. Fils d'un directeur de prison, son premier souvenir est d'avoir tenu compagnie à un condamné à mort. Son théâtre est celui de la démesure, du grotesque et du satirique. À vingt et un ans, il écrit Herzog Theodor von Gothland, une pièce échevelée qui dépasse le Sturm und Drang et annonce l'expressionnisme. Les héros de Grabbe sont souvent les grandes personnalités historiques. Mais il se plaît à montrer leur côté philistin. Tous sont des héros tragiques : Marius et Sylla (1823, fragment), L'Empereur Frédéric Barberousse (1829), L'Empereur Henri IV (1830), Hannibal (1835) et Napoléon ou les Cent-Jours (1831), la plus connue de ses œuvres à l'époque. Dans cette pièce (jouée à Francfort-sur-le-Main en 1895), Grabbe utilise une technique tout à fait neuve : les tableaux sont autant d'illustrations panoramiques ou d'instantanés ; rythme et atmosphère changent constamment ; les importantes scènes historiques alternent avec des épisodes individuels. C'est un univers de marionnettes où l'héroïsme cherche à s'imposer.
Le Don Juan et Faust (1829), joué du vivant de l'auteur, connaît de nos jours un regain d'intérêt. Don Juan et Faust, amoureux rivaux d'Anna, se disputent en vain son amour. Don Juan tuera l'époux et le père d'Anna ; Faust enlèvera la jeune femme, la séquestrera dans son château du mont Blanc et finira par la tuer dans un accès de jalousie. Finalement, le Diable étrangle Faust et emporte Don Juan. Pièce étonnante et chaotique, où le tragique et le cocasse s'entremêlent dans une satire impitoyable qui dénonce la corruption des gens en place, la vanité des nobles et la médiocrité générale. Les deux héros, si proches, se détruisent mutuellement en s'affrontant. Anachroniques, ils sont, par leur démesure, voués à la solitude et à la chute tragique ; mais Grabbe aime leur grandeur insolite : « Pourquoi être un homme, sinon pour aspirer au surhumain ? »
Dans la comédiePlaisanterie, satire, ironie et signification plus profonde (Scherz, Satire, Ironie und tiefere Bedeutung, 1822), Grabbe se met en scène aux côtés d'un baron, d'un maître d'école de village, du Diable et de l'empereur Néron. Il ironise sur les poètes, Goethe et Klopstock, et aussi sur lui-même.
Sans illusion, Grabbe se joue à lui-même la comédie. Désespéré, il s'adonne à l'alcool. Jeune homme en colère à l'époque de la Restauration, il trouve, comme son Hannibal, sa « petite fin dans l'incommensurable chaos du vulgaire ».
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Écrit par
- Marie-Claude DESHAYES : professeur certifié
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