FERRAS CHRISTIAN (1933-1982)
Étoile du violon français très vite parvenue au firmament, Christian Ferras symbolisait la continuité d'une école instrumentale qui avait perdu, au fil des années, son lustre d'antan. Jacques Thibaud, Ginette Neveu ou Zino Francescatti étaient ses plus illustres prédécesseurs ; mais, dans leur génération, ils n'étaient pas seuls. Ferras faisait davantage figure d'isolé, et le développement rapide de sa carrière dans le monde entier n'en avait pris que plus d'ampleur. Il voit le jour le 17 juin 1933 au Touquet. Son père, excellent violoniste lui-même, avait été l'élève de Marcel Chailley, le fondateur du quatuor portant son nom et le père du musicologue Jacques Chailley. En 1940, la famille Ferras se réfugie à Nice. Christian découvre le violon avec son père. L'année suivante, il entre au conservatoire local dans la classe de Charles Bistesi, où il obtient un premier prix dès 1943. En 1942, il a déjà fait ses débuts avec un orchestre. Jusqu'à la Libération, il joue à droite et à gauche. Ainsi, l'Opéra de Nice fait souvent appel à lui pour le solo de la méditation de Thaïs. En 1945, sa famille se fixe à Paris et il entre au Conservatoire dans les classes de René Bénedetti (violon) et de Joseph Calvet (musique de chambre). L'année suivante, il remporte un premier prix dans chacune des deux disciplines. C'est le début d'une carrière d'enfant prodige ponctuée de plusieurs récompenses dans les concours internationaux – où il lui faut d'ailleurs obtenir des dispenses d'âge ! : premier prix à Scheveningen (Pays-Bas) en 1948, deuxième prix à Paris au concours Marguerite Long-Jacques Thibaud en 1949 (premier prix non décerné). Il travaille alors avec Georges Enesco. À la même époque, il forme avec Pierre Barbizet un duo violon-piano qui prendra la succession de « tandems » fameux dans l'histoire de la musique de chambre (Alfred Cortot-Jacques Thibaud ou Zino Francescatti-Robert Casadesus).
Au début des années 1950, il donne des concerts dans le monde entier, est invité par l'Orchestre philharmonique de Berlin et par l'Orchestre philharmonique de Vienne et effectue, dès 1953, des tournées aux États-Unis, en Chine et au Japon. En 1954, il acquiert son premier Stradivarius, le Président, fabriqué en 1721 (plus tard, il en possédera un autre, le Minaloto, 1728). Mais Ferras avouait que sa véritable carrière n'avait débuté qu'en 1959, lors d'un concert à Boston où il jouait avec Charles Münch le Concerto de Brahms, son œuvre fétiche. La même année, Pablo Casals l'invite à Prades pour jouer en trio avec lui et Wilhelm Kempff. En 1960, il enregistre les Dix Sonates pour violon et piano de Beethoven avec Pierre Barbizet. En 1963, il joue le Double Concerto de Brahms avec Pierre Fournier à la Philharmonie de Vienne sous la direction de Karajan. Un an plus tard, c'est avec le Concerto pour violon de Brahms qu'il retrouve le même chef à la Philharmonie de Berlin ; enthousiasmé, Karajan lui fait signer un contrat avec la Deutsche Grammophon, contrat qui prévoit l'enregistrement, sous sa direction, des vingt plus grands concertos pour violon du répertoire. Mais il ne gravera que ceux de Beethoven, de Brahms, de Sibelius et de Tchaïkovski. Comblé d'honneurs, il joue au Vatican devant le pape Jean XXIII (1963) et à Copenhague pour le mariage de la reine Margrethe II (1967). Mais une santé déficiente ralentit l'essor de sa carrière. Une période dépressive l'oblige à s'arrêter presque totalement pendant plusieurs années. Il ne joue que pour des amis et vit retiré dans sa maison en Provence. Il se consacre à l'enseignement, au Conservatoire de Paris (à partir de 1975) et à l'académie Maurice-Ravel de Saint-Jean-de-Luz. Quelques concerts en province lui redonnent confiance et il affronte à nouveau le public parisien en 1982. Sa carrière semblait repartie[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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