EDA-PIERRE CHRISTIANE (1932-2020)

Christiane Eda-Pierre fut la première cantatrice française noire à connaître une brillante carrière internationale. L’ampleur de son répertoire, la fraîcheur de son timbre, son agilité vocale, la clarté de son élocution ainsi que son scrupuleux respect des styles en font une des plus remarquables sopranos de sa génération.

Christiane Eda-Pierre naît le 24 mars 1932 à Fort-de-France, en Martinique. Sa famille est cultivée – elle compte une femme de lettres, sa tante Paulette Nardal – et pratique la musique. Très jeune, l’enfant aborde le piano avec sa mère, puis à l’École normale de musique de Paris. Elle y suit aussi les cours du baryton Charles Panzéra qui l’oriente vers le chant lyrique et prépare son entrée au Conservatoire de Paris. Elle y est admise en 1954 et travaille sa voix auprès du baryton Louis Noguera ainsi que la diction avec la comédienne Gabrielle Fontan. Elle achève sa formation en 1957, nantie de trois premiers prix ; chant, opéra et opéra-comique.

Elle fait ses débuts à Nice en 1958, aux côtés de Gabriel Bacquier, avec Leïla (Les Pêcheurs de perles de Bizet). Dès l’année suivante, le festival d’Aix-en-Provence lui offre sa première Pamina (La Flûte enchantée de Mozart). En 1960, elle entre dans la troupe de l’Opéra-Comique de Paris. Elle y chante : Olympia (Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach), Lakmé (dans l’œuvre éponyme de Delibes), Rosine (Le Barbier de Séville de Rossini), Violetta (La Traviata de Verdi). L’Opéra de Paris l’appelle en 1962. Elle s’y produira jusqu’au début des années 1980, ajoutant à son catalogue Lucia (Lucia di Lammermoor de Donizetti), Gilda (Rigoletto de Verdi), Antonia (Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach, dans une mise en scène de Patrice Chéreau) ainsi que trois opéras de Rameau : Les Indes galantes, Dardanus et Zoroastre. Elle interprète également, et cela fit date, l’Antonia des Contes d’Hoffmann. Sa réputation a franchi les frontières dès 1966. La capitale anglaise l’applaudit, suivie rapidement par Lisbonne, New York, Vienne, Bruxelles, Salzbourg, Moscou et Chicago. Christiane Eda-Pierre s’illustre dans les œuvres italiennes, aussi à l’aise dans Monteverdi que dans Bellini, et se révèle en outre une mozartienne d’exception, incarnant ses principales héroïnes : la Reine de la nuit (La Flûte enchantée), Donna Anna (Don Giovanni), la Comtesse (Les Noces de Figaro), Constance (L’Enlèvement au sérail), Vitellia (La Clémence deTitus). À la Scala de Milan, elle interprète des lieder de Berg sous la direction de Pierre Boulez (1979). En 1980, elle se produit dans Rigoletto avec Luciano Pavarotti devant une foule enthousiaste massée dans Central Park à New York, avant de faire son entrée au Metropolitan Opera et d’y triompher dans ses rôles fétiches : Constance, Antonia, Gilda.

Christiane Eda-Pierre n’oublie pas pour autant la musique de son temps : remarquée dans Le Rossignol de Stravinski, elle participe à la reprise française de Médée de Darius Milhaud. Elle crée Les Amants captifs de Pierre Capdevielle (1960) et D’un espacedéployé de Gilbert Amy (1973). Charles Chaynes écrit pour elle Pour un monde noir (1979) et l’opéra Erszebet (1983). Olivier Messiaen la choisit pour être l’Ange dans son opéra Saint François d’Assise, créé à Paris en 1983. La cantatrice fait ses adieux à la scène en 1985. Elle a enseigné au Conservatoire de musique de Paris de 1977 à 1997 et nous laisse une discographie réduite mais de grande qualité : Béatrice et Bénédict de Berlioz (sous la direction de Colin Davis), Dardanus de Rameau (sous la direction de Raymond Leppard), L’Enlèvement au sérail de Mozart (sous la direction de Colin Davis), Saint François d’Assise de Messiaen (sous la direction de Seiji Ozawa) et, par deux fois, Le Roi David d’Honegger (sous la baguette de Serge Baudo puis de Charles Dutoit). Catherine Marceline[...]