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CHRISTIANISATION

Au cœur du couple christianisation /déchristianisation, il y a le Christ, son Évangile, son Église et la religion dont il est à la fois l'origine et le fondement. Répandre le christianisme comme croyance, comme culte et comme doctrine, c'est christianiser ; les faire (ou les voir) disparaître, c'est déchristianiser.

Le verbe christianiser est attesté au xvie siècle, dans le sens de « devenir chrétien » puis de « faire chrétien » ; le mot christianisation est plus tardif (1843). Le lexique ancien préférait, dans le même sens, évangéliser, qui a donné évangélisation (1845).

Christianisation, évangélisation, inculturation

Les historiens ont retracé la rapide expansion du christianisme depuis le ier siècle de notre ère sur le pourtour du bassin méditerranéen, à partir des communautés juives de la Diaspora, en direction des « gentils » (du latin gentes, « nations ») puis dans l'ensemble de l'Empire romain, en direction des « païens » (du latin paganus, « paysan »). L'empereur Théodose, en 380, fait du christianisme la religion d'État, peu avant l'effondrement de l'Empire d'Occident (476). Rome et Byzance sont les deux épicentres de la christianisation de l'Europe, dans une double tradition, latine (catholique) et grecque (orthodoxe), en direction des peuples germaniques, scandinaves, baltes, hongrois et slaves. Mais, au sud de la Méditerranée, le christianisme régresse dès le viie siècle avec l'irruption de l'islam qui mettra fin à l'Empire d'Orient (1453), ne laissant subsister que des vestiges isolés ou dominés (Coptes d'Égypte et d'Éthiopie, Églises chrétiennes d'Orient). À partir du xvie siècle, en dépit du partage opéré en Occident par les Réformes protestante et catholique, la découverte du continent américain puis la formidable expansion de l'Europe dans le monde relancent la christianisation, en Amérique, en Afrique, en Asie et en Océanie, avec un succès inégal. À l'aube du IIIe millénaire, un tiers de l'humanité appartient, par la croyance ou la culture, au christianisme, sous ses trois formes, catholique, orthodoxe et protestante.

Les problématiques de la christianisation ont nourri l'histoire des autres religions et l'anthropologie. L'effacement progressif des religions antiques, des cultes germaniques, des systèmes de croyance de l'Amérique précolombienne, de l'Afrique ou de l'Océanie n'a-t-il pas laissé subsister, au sein même du christianisme, des « restes » (c'est le sens étymologique du mot superstition), alimenté des emprunts, des syncrétismes ? Mais la christianisation des masses n'est-elle pas un phénomène tardif, lié aux Réformes (Jean Delumeau, Le Catholicisme entre Luther et Voltaire, 1971 ; Pierre Chaunu, Église, culture et société. Essais sur Réforme et Contre-Réforme (1517-1620), 1981) ? Dans quelle mesure le changement religieux est-il dépendant du plus vaste processus d'acculturation imposé par l'Occident au reste du monde, notamment à l'époque coloniale ? Ou, inversement, dans quelle mesure est-il possible de parler, comme l'ont proposé les historiens des missions (en particulier Jacques Gadille, dans les années 1970), d'inculturation du christianisme au plus profond du substrat mental et culturel des populations converties ?

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-XII-Val de Marne

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