CHRISTIANISME
L'institution chrétienne
Certaines présentations du christianisme laissent penser que son aspect institutionnel, son organisation sociétaire seraient des réalités tard venues et comme des retombées d'un pur mouvement « charismatique ». Tout en reconnaissant que l'aspect institutionnel n'est pas premier dans le mouvement né de l'Évangile chrétien, une telle façon de voir n'est pas conforme aux données du Nouveau Testament, où l'on voit se profiler déjà l'image d'une communauté assez précisément instituée.
Une communauté instituée
« Ils [les croyants] se montraient assidus à l'enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » : ainsi se présente la première communauté chrétienne (Actes des Apôtres, ii, 42).
Les Apôtres représentent l'autorité pastorale dont Jésus a voulu doter l'assemblée de ses fidèles. Ils exercent, en son nom, et comme un service, cette autorité. Ils ont mission et pouvoir pour annoncer l'Évangile, célébrer le culte nouveau, remettre les péchés, présider dans la charité fraternelle à la vie de la communauté. À la suite des Apôtres, les évêques exerceront les mêmes responsabilités, aidés dans leur charge pastorale par les prêtres : c'est ainsi du moins que les catholiques et les orthodoxes, à la différence de la plupart des protestants, l'entendent. Mais il faut sans doute insister sur la différence qui existe entre les ministres chrétiens et le personnel sacerdotal des religions et du judaïsme, même si, à l'imitation de ces derniers, les évêques et les prêtres ont eu souvent tendance à se constituer en caste cléricale. Le ministre chrétien n'a pas de pouvoir magique : il n'est pas le gardien des rites ; il n'est pas l'homme du sacré, par opposition au profane. Il est l'homme spécialisé et permanent de la cause de l'Évangile autour de qui s'assemble la communauté, le garant officiel de la continuité de la foi.
La structure pastorale (qu'on appelle parfois hiérarchique) de la communauté chrétienne n'empêche pas les membres de l'assemblée d'être actifs et d'exercer des ministères selon leur vocation propre et selon les besoins. Il arrivera que l'autorité doive arbitrer des conflits lorsque l'anarchie menace l'unité, mais elle doit veiller à ne pas éteindre l'Esprit sous le prétexte d'imposer l'ordre. C'est pour empêcher ce risque d'anarchie et pour éviter aussi l'arbitraire possible de l'autorité que s'est développée avec le temps une certaine législation « canonique » dans les Églises chrétiennes, codifiant des coutumes, des règles de comportement et de procédure.
Conjointement à la structure pastorale et articulée sur elle, il faut également signaler, comme faisant partie de l'institution essentielle de la communauté chrétienne, la structure sacramentelle. Dès les origines, et par une volonté expresse de Jésus, la communauté célébra le baptême comme sacrement d'entrée en christianisme, et l'eucharistie (aussi appelée « fraction du pain ») comme sacrement plénier de la vie en Église. D'autres sacrements prennent place derrière ces deux sacrements pilotes : la confirmation, le mariage, le sacrement des malades, la pénitence et l'ordre. Leur nombre, et surtout leur pleine identité de sacrements, n'apparaît pas tout à fait clairement dans les écrits du Nouveau Testament : ce qui explique que les chrétiens protestants ne les reconnaissent pas tous.
La constitution sociétaire de la communauté chrétienne, qui donne à l'Église sa visibilité historique, fut parfois l'objet d'une contestation parmi les chrétiens. On opposa parfois l'institution à l'événement, la société à la communauté, la lettre à l'esprit. Cette opposition[...]
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Écrit par
- Pierre LIÉGÉ : professeur aux Facultés dominicaines du Saulchoir et à l'Institut catholique de Paris
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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