BOTEV CHRISTO (1848-1876)
Le poète
C'est dans les poésies de Botev que ce socialisme patriotique, révolutionnaire, humanitaire et athée, d'une allure quelque peu romantique, a trouvé sa plus noble expression, et ce sont ces poésies, au nombre d'une vingtaine, qui demeurent la partie la plus vivante de l'œuvre de Botev. C'est ainsi que, dans les vers de Moïata Molitva (Ma Prière), Botev exprime sa foi en un avenir meilleur pour les opprimés. Au Dieu transcendant des chrétiens, « à qui brûle des cierges le vil bétail des orthodoxes », il oppose vigoureusement « le Dieu de la raison, protecteur des esclaves, dont les peuples célébreront bientôt l'avènement ». Dans d'autres poésies, comme Eleguiya (Élégie) ou Borba (La Lutte), il évoque les souffrances séculaires du peuple bulgare, esclave des Turcs et esclave aussi des idoles que la superstition maintient en lui pour favoriser les puissants aux dépens des faibles. Dans Patriot (Le Patriote) ou V mehanata (Au cabaret), il fustige le faux idéal patriotique ou révolutionnaire qui n'engage pas l'être tout entier dans la voie du sacrifice. Assez proche de la chanson populaire des Bulgares, la poésie de Botev aborde parfois des thèmes folkloriques, par exemple dans Guergiovden (La Saint-Georges), ou Pristanala (Le Rapt d'une jeune fille), mais en les animant de son puissant souffle et en les faisant servir à la prédication de son idéal révolutionnaire. Plus intimement liées encore à la personne et à la vie de Botev apparaissent des poésies comme Maïtse si (À ma mère), Do moeto pǎrvo libe (À mon premier amour), ou Na prochtavané (Adieux), où l'on sent une conscience déchirée derrière l'héroïque décision de renoncer à toutes les joies promises à la jeunesse pour obéir à l'impérieux appel du devoir. Ces poésies comptent parmi les plus populaires de Botev, à côté de Hadji Dimitǎr et de Obesvaneto na Vassil Levski (La Pendaison de Vassil Levski), où il exalte la mémoire de héros nationaux, victimes récentes de cette lutte qui devait le conduire lui-même à la mort. Botev sait associer la nature entière au sort de ses héros. Le loup hurle, le corbeau croasse et l'hiver chante sa lugubre chanson lorsque se dresse le gibet de Levski. L'aigle, le faucon, les bêtes sauvages s'approchent fraternellement de Hadji Dimitǎr gisant dans son sang, et des sylphides de blanc vêtues viennent panser la plaie et baiser les lèvres du jeune voïvode, qui entre dans l'immortalité. Car, écrit Botev, « celui qui meurt en combattant pour la liberté, celui-là ne meurt pas ».
La poésie de Botev est caractéristique de la littérature de la renaissance bulgare, qui est essentiellement une littérature de combat. Elle demeure auréolée du prestige attaché à la personnalité de Christo Botev, qui est l'une des plus fortes que la Bulgarie ait enfantées et qui a su élever sa conduite à la hauteur de son idéal, en sacrifiant, à l'âge de vingt-sept ans, sa vie à son idéal révolutionnaire, très peu de temps avant la libération de sa patrie.
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Écrit par
- Roger BERNARD : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'Institut national des langues et civilisations orientales, docteur ès lettres
Classification
Autres références
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BULGARIE
- Écrit par Roger BERNARD , André BLANC , Christophe CHICLET , Nadia CHRISTOPHOROV , Encyclopædia Universalis , Jack FEUILLET , Vladimir KOSTOV , Edith LHOMEL et Robert PHILIPPOT
- 26 995 mots
- 12 médias
...révolutionnaire bulgare dans le domaine des lettres, intimement uni à celui de la politique : Ghéorghi Rakovski (1821-1867), Liouben Karavélov (1835 ?-1879), Christo Botev (1848-1876). Ces écrivains, doublés de chefs révolutionnaires, passèrent les années les plus fécondes de leur carrière en Roumanie, pays...