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WIELAND CHRISTOPH MARTIN (1733-1813)

Une diversité virtuose

C'est dans le Teutscher Merkur que parut son meilleur conte philosophique : Les Abdéritains (Die Abderiten, 1774). Abdère, patrie d'Aristote, vit à l'image d'une petite ville allemande, dont les bourgeois, avec leur esprit de clocher et leurs grands projets, ne sont pas épargnés.

À l'occasion, un conte oriental fournit le cadre de discussions sur le gouvernement de la cité. Ainsi, Le Miroir d'or (Der goldene Spiegel, 1769) mêlait aux anecdotes piquantes un exposé de vues tout à fait cohérentes sur le rôle d'un prince au xviiie siècle, capable de trouver l'équitable voie moyenne entre l'autocratie et la démagogie. C'est sur la foi de cet ouvrage que l'auteur devint précepteur du duc héritier et plus tard son conseiller. S'il ne fut jamais ministre, comme le fut Goethe, il ne cessa pas d'exercer une sorte de magistrature intellectuelle et morale durant le temps où Weimar fut la patrie des penseurs et des poètes.

Sa traduction de Shakespeare est antérieure puisqu'elle parut de 1762 à 1766 ; elle donne le texte allemand de vingt-deux drames. Dès 1758, il écrivait : « Je l'aime avec tous ses défauts. Il est presque seul à savoir peindre les hommes, les mœurs et les passions d'après nature [...]. Sa fécondité est infinie [...]. Il est tantôt le Michel-Ange, tantôt le Corrège des poètes. » Cette traduction et, un demi-siècle plus tard, celle de Schlegel et Tieck ont fait de Shakespeare un auteur du répertoire allemand. Polémiste et moraliste, poète de circonstance et amateur de contes orientaux, grecs ou simplement allemands, Wieland a beaucoup publié. Sa bibliographie compte cent vingt titres. Certains de ces ouvrages sont brefs ; d'autres, notamment une série de romans des vingt dernières années, sont fort longs, et ornés de conversations dont l'intérêt, fait autant d'actualité que de libre fantaisie, n'apparaît plus guère au lecteur moderne. Mais, dans la production de sa période weimarienne, il faut distinguer une manière de roman en vers ou d'épopée romantique : Obéron, « Poème en quatorze chants », publié en 1780. L'histoire, prise dans un poème français, est celle du chevalier Huon de Bordeaux qui, ayant démérité aux yeux de l'empereur Charlemagne, est par lui envoyé en Orient mettre à l'épreuve sa bravoure, et aussi son attachement à Rezia, la reine de son cœur. Merveilles des voyages, hasards des combats, interventions providentielles font rebondir inlassablement l'action. C'est une façon d'opéra, plein d'invention, où on retrouve, comme dans Le Songe d'une nuit d'été, Titania, reine des fées, épouse d'Obéron, roi des elfes, ami des hommes dans l'épopée médiévale française et protecteur du chevalier Huon. Ce long poème de sept mille vers rimés, en stances libres, a inspiré au musicien Carl Maria von Weber son Obéron, qui fut, en 1826, sa dernière grande œuvre.

La diversité virtuose de Wieland lui aura interdit de faire école, mais son apport aux lettres allemandes a été très riche. Le Weimar classique ne se conçoit pas sans lui.

— Pierre GRAPPIN

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    ...Messiade, depuis six siècles la seule épopée allemande digne de ce nom ; ses Odes exaltent dans une langue pathétique toutes les formes du sentiment. Wieland (1733-1813), sceptique, licencieux, est l'interprète de ce qu'on nomme « la philosophie des grâces ». Mais, au-delà de leurs différences, les trois...