GLUCK CHRISTOPH WILLIBALD VON (1714-1787)
Si Gluck est à ranger parmi les principaux compositeurs de la période « préclassique » (à côté de Baldassare Galuppi, Tommaso Traetta, Johann Christian Bach et Carl Philipp Emanuel Bach), c'est avant tout pour avoir proposé une nouvelle conception de l' opéra, d'abord dans le domaine italien (de 1762 à 1770), puis dans la tragédie lyrique française (de 1774 à 1779). La « réforme » gluckiste de l'opéra italien, dont les œuvres les plus représentatives sont Orfeo ed Euridice et Alceste, doit son importance tout autant à l'originalité d'un style musical énergique et grandiose qu'à ses liens directs avec l'esthétique des Lumières telle qu'elle s'est exprimée à Paris dans les années 1750, puis à Vienne, à la cour de l'impératrice Marie-Thérèse. Gluck termina sa longue carrière en accomplissant à l'Académie royale de musique de Paris une véritable révolution (le mot apparaît dans les écrits des contemporains), qui eut pour conséquences la disparition du répertoire lullo-ramiste et l'essor d'un nouveau style lyrique français dans les années 1780.
Toutes les œuvres majeures de Gluck sont le résultat d'une étroite collaboration avec ses librettistes – fait rare au xviiie siècle – et se caractérisent par la recherche d'une continuité musicale en coïncidence parfaite avec le rythme de l'action dramatique ; chez Gluck, le primat de la pensée architecturale ne doit cependant pas masquer ses dons de mélodiste (en témoignent des airs restés célèbres, comme « Che farò senza Euridice » et « Ô malheureuse Iphigénie ») ni la richesse de son écriture orchestrale, maintes fois citée en exemple par Berlioz dans son Grand Traité d'instrumentation et d'orchestration modernes.
Le compositeur italien (1741-1754)
On ne sait quasiment rien des études musicales de Gluck dans sa Bohême natale, mais on peut imaginer que ses séjours à Prague et à Vienne (entre 1728 et 1737) furent émaillés d'épisodes aussi pittoresques que ceux que rapporte Charles Burney dans ses vies de Johann Joachim Quantz et de František Benda. C'est à Milan qu'il paracheva sa formation de compositeur, au contact de Giovanni Battista Sammartini, et qu'il fit ses début au théâtre en mettant en musique l'un des plus célèbres livrets de Métastase, Artaserse (1741). Dans les dix ans qui suivirent, la carrière de Gluck ressemble à celle de bien d'autres compositeurs d'opéras italiens, avec une production moyenne d'un ou deux ouvrages nouveaux par saison. Outre la précieuse expérience qu'offrait au jeune musicien la possibilité d'écrire pour certains des plus grands chanteurs de son temps (les castrats Angelo Maria Monticelli et Caffarelli, la soprano Vittoria Tesi) et de se faire jouer devant les publics les plus variés, en Italie comme en Allemagne, Gluck eut par deux fois l'occasion d'élargir son horizon au-delà des limites de l'opera seria traditionnel : un long séjour à Londres (1745-1746) le mit en contact avec les oratorios de Haendel, mais lui permit aussi de découvrir, dans les ballad operas qui faisaient alors fureur, un style vocal simple et naturel dont il dira avoir été profondément marqué ; il n'est pas indifférent non plus qu'il se soit trouvé à Copenhague en 1749, l'année même où Johann Adolph Scheibe exposait, dans la préface à son opéra Thusnelda, des idées annonciatrices de la future « réforme ».
Les premiers opéras de Gluck, même s'ils sont aujourd'hui presque totalement oubliés, mériteraient d'être exhumés en morceaux choisis : c'est déjà ce qu'avait fait Gluck lui-même, puisqu'il pilla consciencieusement sa production de jeunesse, inconnue du public de Vienne et de Paris, pour en adapter les meilleurs morceaux à de nouveaux textes italiens, et même à des paroles françaises.[...]
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Écrit par
- Michel NOIRAY : agrégé de l'Université, chargé de recherche au C.N.R.S.
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