CHRISTOPHE DANIEL BEVILACQUA dit (1945-2020)
Le « beau bizarre »
C’est en dandy un peu décalé que Christophe revient en 1973 avec Les Paradis perdus, album-concept dont les textes sont écrits par un jeune inconnu, Jean-Michel Jarre, que son ami le producteur Francis Dreyfus lui a présenté. Ce dernier vient de créer Disques Motors, un label sur mesure pour Christophe. À cette époque, Jean-Michel Jarre est encore élève du Groupe de recherches musicales (GRM) fondé par le musicien contemporain Pierre Schaeffer. Il partage avec le chanteur la passion du son et du cinéma.« Moi, confiait Jean-Michel Jarre, je voyais en lui un personnage mi-Vitelloni, mi-rimbaldien. C’était un lover décalé, un peu loser, un héros nocturne, entre errance et fantasme. J’ai senti la mythologie “christophienne” ».
L’équipée Jarre-Christophe se poursuit en 1974 avec Les Mots bleus et le chanteur qui en a composé la musique s’impose à présent comme un coloriste du son. Cette année-là, il triomphe à l’Olympia. Puis il s’éclipse de nouveau, s’affranchit un peu plus encore des structures conventionnelles de la chanson et enregistre Samouraï (1976) etLe Beau Bizarre (1978), album très rock dont Bob Decout écrit la plupart des paroles. Le succès commercial n’est plus au rendez-vous. Blanchi en 1977 des accusations de plagiat portées au sujet d’« Aline », Christophe accepte alors, sur les conseils de Véronique, sa femme, et de Francis Dreyfus, de rééditer à l’identique son succès de 1965, qui, étonnamment, se hisse à nouveau au sommet des ventes(3,5 millions de ventes au total) et enregistre des titres tels que« Succès fou » (1983). Christophe bricole à son rythme, publie Pas vu pas pris (1980) en collaborant avec son beau-frère punk, Alain Kan, puis Clichés d’amour (1983), façon crooner de jazz.
Mais Daniel Bevilacqua se consacre également à d’autres passions, notamment celle du cinéma. Il collectionne avec frénésie les pellicules de films – il en possèdera près de cinq cents – jusqu’à ce qu’en 1989 la police lui retire, sur plainte des distributeurs, ses quinze films les plus rares. Il revient alors à la musique, quitte les Disques Motors pour Epic (Sony). Et ne se presse pas. Bevilacquaparaît en 1996 et prend tout le monde par surprise. Cet album déroutant, construit sur des ambiances électroniques, drum’n’bass et jungle, comprend notamment un duo avec l’Américain Alan Vega, pionnier du punk-rock (« Rencontre à l’as Vega »). Auteur des textes, Christophe s’y affirme comme un artiste complet consacré par la critique. Il faudra attendre cinq ans encore pour voir paraître l’opus suivant, Comm’si la terre penchait (2001), produit par Philippe Paradis et signé chez Mercury. En 2002, après avoir déserté la scène pendant vingt-sept ans, le « beau bizarre » joue à l’Olympia entouré de danseurs qui évoluent sur une chorégraphie de Marie-Claude Pietragalla. Le Tout-Paris se presse devant sa loge.
Aimerce que nous sommes (2008), au casting disparate (Isabelle Adjani, le trompettiste Erik Truffaz ou Carmine Appice, le batteur américain du groupe Vanilla Fudge), puis Les Vestiges du chaos (2016) jalonnent ensuite des expériences scéniques multiformes, dont la tournée « Intime », où il se produit seul en s’accompagnant au piano. En 2019, Christophe sacrifie à la mode des duos (avec Camille, Étienne Daho, Eddy Mitchell…) pour Christophe, etc., deux volumes devenus prétextes à des jeux de collages autour des temps forts de son répertoire. « Je n’ai jamais eu de vie musicale, affirmait Christophe. Mais une route de vie avec la passion du son, qui ne me quitte jamais. »
Le chanteur meurt le 16 avril 2020 à Brest.
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Écrit par
- Véronique MORTAIGNE : journaliste
Classification
Média