- 1. Classification des particules
- 2. Théories de jauge et chromodynamique quantique
- 3. La liberté asymptotique des quarks et des gluons
- 4. Hadronisation des quarks et des gluons : les jets de particules
- 5. Le domaine mystérieux du confinement
- 6. Simulation numérique et calcul sur réseau
- 7. La phase déconfinée : le plasma de quarks et gluons
- 8. Axes de recherche en chromodynamique
- 9. Bibliographie
- 10. Site internet
CHROMODYNAMIQUE QUANTIQUE
La liberté asymptotique des quarks et des gluons
L’intensité des couplages d’une théorie quantique des champs présente une caractéristique très surprenante, mais bien comprise. En électromagnétisme, l’interaction de deux particules chargées (le couplage est ici identique à la charge électrique) est une force proportionnelle au produit des charges ; en électrodynamique quantique, il faut tenir compte d’un phénomène nouveau, la capacité d’apparition éphémère de paires électron-positron dans le vide conduit à un phénomène d’écrantage (donc d’atténuation) des charges. Plus les charges sont éloignées, plus ce phénomène est efficace et on est donc conduit à définir une charge effective qui dépend de la distance entre les particules. Le couplage de l’électrodynamique quantique décroît avec la distance, phénomène mesuré expérimentalement avec une grande précision.
Dans le cas de la chromodynamique, des calculs théoriques ont montré en 1973 que ce phénomène d'écrantage des charges est inversé : l'interaction entre deux quarks faiblit lorsque leur distance décroît. Cette décroissance n’est pas rapide, elle varie comme l’inverse de la racine carrée du logarithme de la distance lorsque cette distance est petite. Ce résultat, obtenu simultanément et indépendamment par deux brillants étudiants américains, David Politzer (né en 1949) et Franck Wilczek (né en 1951), leur vaudra le prix Nobel de physique en 2004, partagé avec le directeur de thèse du second, David Gross (né en 1941). Cette décroissance a été confirmée par de nombreuses mesures.
Cette propriété (appelée liberté asymptotique, puisque l’interaction tend vers 0 lorsque la distance tend elle-même vers 0) explique pourquoi un processus physique qui sonde l’intérieur d’un proton avec un très grand pouvoir de résolution permet de distinguer des quarks quasiment libres bien que restant confinés dans le proton. C’est exactement ce que l’expérience effectuée en 1967-1968 à l’accélérateur linéaire à électrons de Stanford (le SLAC) avait observé : dans certaines configurations, les électrons rebondissent sur des particules à l’intérieur des protons, selon des lois de probabilité caractéristiques des collisions avec des particules libres. Comme Rutherford distinguant en 1909 le noyau au cœur de l’atome grâce au comportement des rayons α qui le bombardaient, l’équipe de Richard Taylor (1929-2018, prix Nobel 1990) au SLAC distinguait des « partons » dans le proton, ce qui paraissait tout à fait paradoxal puisque les quarks sont tellement liés entre eux, qu'on n'est jamais parvenu à les isoler.
Le fait que la charge effective de la CDQ, qu’on note αS = g2/4π, l'équivalent de la constante électromagnétique de structure fine α = e2/4π, devient suffisamment petite à courte distance permet d’utiliser la méthode perturbative développée avec grand succès dans le cas de l’électrodynamique quantique : cette méthode consiste à prendre en compte progressivement dans le calcul d’un observable les conséquences de l’émission d’un gluon, puis de deux gluons, et ainsi de suite. Son utilisation depuis les années 1970 a permis de soumettre la chromodynamique à de multiples tests expérimentaux dont les succès répétés fondent la confiance des physiciens dans la pertinence de cette théorie.
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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