- 1. Classification des particules
- 2. Théories de jauge et chromodynamique quantique
- 3. La liberté asymptotique des quarks et des gluons
- 4. Hadronisation des quarks et des gluons : les jets de particules
- 5. Le domaine mystérieux du confinement
- 6. Simulation numérique et calcul sur réseau
- 7. La phase déconfinée : le plasma de quarks et gluons
- 8. Axes de recherche en chromodynamique
- 9. Bibliographie
- 10. Site internet
CHROMODYNAMIQUE QUANTIQUE
La phase déconfinée : le plasma de quarks et gluons
De la même façon qu'un solide formé à partir de structures symétriquement ordonnées se transforme en liquide lorsqu'on augmente sa température, les calculs théoriques ont montré – au prix de quelques hypothèses assez hardies et d’approximations aussi fréquentes que dans le reste de la physique – qu'un ensemble de quarks et de gluons confinés en hadrons doit se transformer en une phase déconfinée si la densité d'énergie devient supérieure à une valeur critique, environ dix fois supérieure à celle qui existe dans un noyau. Ils ont ainsi mis en évidence qu'à des températures extrêmes (supérieures à 1012 kelvins) un changement qualitatif apparaît : un plasma (parfois appelé « quagma ») dans lequel des quarks et des gluons interagissant individuellement remplace l'ensemble de protons, neutrons et autres hadrons dans lesquels ces particules suivaient un comportement grégaire.
Pour vérifier expérimentalement l'existence d'une phase si différente de l'aspect habituel de la matière, on utilise le fait que la collision violente de deux noyaux atomiques aussi lourds que possible permet d’atteindre pendant un bref instant une concentration d’énergie phénoménale. À partir de l’an 2000, les collisions de noyaux d’or au RHIC (Relativistic Heavy Ion Collider) de Brookhaven, dans l'île de Long Island près de New York, puis celles de noyaux de plomb au grand collisionneur à hadrons (LHC) du Cern de Genève, dix ans plus tard, ont effectivement atteint des densités d'énergie record, donc des températures effectives élevées de l’ordre de celles mentionnées précédemment. L’analyse des données recueillies s’est révélée constituer un défi considérable tant le nombre de particules émises est impressionnant. Quelques faits saillants ont cependant émergé. La distribution angulaire des fragments obéit à une anisotropie collective, qu’on interprète comme la conséquence de la forme elliptique de la zone de recouvrement des noyaux pendant la collision et des propriétés hydrodynamiques de la matière chaude créée. L’énergie moyenne emportée par un jet de particules décroît lorsqu’on augmente le numéro atomique des noyaux en collision, ce qui revient à augmenter la température moyenne du système ; ce phénomène indique que les quarks et les gluons produits juste après la collision subissent, avant leur hadronisation, de multiples interactions avec d’autres quarks et gluons. Par ailleurs, la production de certains mésons formés principalement de quarks et d’antiquarks lourds (c ou b) est peu abondante, ce qui marque une difficulté de confinement de ces quarks dans un environnement chaud.
Même s’il est clair que la matière produite dans ces collisions d’ions lourds ultrarelativistes est différente de la matière ordinaire, les physiciens restent prudents quant à la nature de la phase produite dans ces conditions expérimentales. Après avoir soupçonné l’apparition d’un plasma de quarks et de gluons en interactions relativement faibles, ils analysent les résultats actuels plutôt en termes d’un fluide de quarks et de gluons, proche d’un liquide non compressible dont la viscosité est très faible. De plus, on ne parvient pas à déterminer si la transition de phase vers cet état est du premier ordre (comme la transition habituelle solide/liquide) ou du second ordre (comme la transition entre les états ferromagnétique et paramagnétique de certains solides), ce qui est pourtant indispensable si l’on veut comprendre la nature du phénomène de confinement et ses conséquences cosmologiques.
Ces expériences de collisions d’ions lourds sont parfois qualifiées de « mini big bang ». On estime en effet qu’elles reproduisent au moins partiellement les conditions physiques de l’Univers naissant. Dans le scénario du [...]
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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